Le MoDem peut-il avoir une crédibilité en matière de développement durable et d'environnement ?
J'ai
déjà expliqué sur ce blog que l'évolution soutenable prônée par Corinne Lepage
(expression choisie en remplacement de développement durable à cause du
greenwashing et de la querelle infondée avec la décroissance) est une approche basée
sur la responsabilité qui concerne TOUS les domaines de la politique, même là
où on ne l'y attendait pas forcément (y compris la diplomatie!). Elle ne se
réduit absolument pas à la question environnementale (improprement désignée par
le terme d'écologie, qui est une discipline scientifique).
Arrêtons-nous
un instant là-dessus. Même si c'était le cas, on constaterait que
"l'écologie" est loin d'être aussi neutre qu'on l'entend souvent, en
tant que sujet soi-disant non clivant. Certes, tout le monde peut se dire
d'accord pour protéger la planète (encore que...), mais dès qu'il faut passer
aux actes ou qu'on regarde de plus près les programmes, on constate que bien
peu sont en adéquation avec cet affichage, qu'il s'agisse d'actions à
entreprendre ou de pratiques à cesser. On peut remarquer au passage que, comme
la question européenne, cela dépasse les frontières politiques classiques : il y a des "opposants" tant à gauche qu'à droite, qui se retrouvent
réunis sur une même position pour des raisons très différentes... De fait, si
certains insistent sur l'aspect "vert" de leur engagement, c'est donc
bien parce que c'est un élément qui les démarque et a du sens (on peut discuter
de la pertinence de leurs propositions en la matière, mais c'est un autre sujet
; et cela ne signifie pas par ailleurs qu'ils n'aient que cet angle d'attaque pour
construire leur projet politique).
Refermons
la parenthèse. En effet, les choses ne se réduisent pas aux préoccupations
purement environnementales, qui ne constituent que l'un des trois piliers de la
démarche (avec le social et l'économique). L'intérêt et la grande force de
l'évolution soutenable, c'est justement d'avoir une approche systémique,
globale, tant dans l'espace (intégration des trois types de problématiques) que
dans le temps (réflexion sur l'amont et l'aval et notamment les impacts, notion
de cycle de vie, etc). Il s'agit d'un véritable projet de société, complet et
diversifié. A ce titre, "l'écologie" n'est pas un simple filtre qui
viendrait évaluer les propositions en fin de processus : il s'agit d'un élément
structurant, à part entière.
Un
des principes clefs de l'évolution soutenable, c'est le principe d'action par
priorité à la source : il faut concevoir correctement les choses dès l'origine
et agir le moins possible en réaction. Par exemple, le meilleur déchet, c'est
celui qu'on ne produit pas (avant même de songer au recyclage). C'est
particulièrement évident en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire :
l'habitat, les transports, l'activité en général, doivent être organisés en
adéquation avec les différents enjeux.
On
peut commencer par bâtir un projet socio-économique dans l'absolu, pour le
passer au "crible vert" à la fin, mais il y a de grandes chances
qu'il ne passe pas l'épreuve et il y aura eu beaucoup de travail pour rien. Ce
ne sont pas de corrections à la marge et a posteriori dont il y a besoin, mais
bien d'une démarche complète et intégrée. D'ailleurs il y a de nombreux
exemples qui montrent l'intrication des trois piliers, ainsi notamment des
gisements considérables d'emploi qui découlent de la prise en compte des enjeux
environnementaux (bâtiment, énergie, agriculture, etc).
Mais
j'irai encore plus loin. Des trois piliers, l'environnemental est en fait le
plus structurant. En effet, les questions socio-économiques relèvent de la
volonté humaine : les gens ont parfaitement le choix de construire une société équitable
ou inégalitaire, libre ou totalitaire, organisée ou dérégulée, etc. Tandis
qu'en matière d'environnement, les choses ne découlent pas des choix humains
mais de la réalité physique du monde, dont on ne peut s'abstraire (même si ce
fut la stupide tendance générale ces dernières décennies). C'est donc ce pilier
qui conditionne tout le reste, et il va falloir se rentrer ça dans la tête une
bonne fois pour toutes. Certaines ressources s'épuisent, d'autres sont altérées
(polluées, appauvries, etc), avec des conséquences climatiques ou sanitaires
qui concernent directement les populations humaines (je ne parle même pas des
impacts indirects, ni du reste du monde vivant qui peuple la planète et qui
n'avait rien demandé). Cela se traduit par un nombre considérable d'effets dans
la sphère socio-économique qu'on ne peut donc pas négliger ou appréhender comme
des questions secondaires.
Je
comptais continuer mais ce billet est déjà bien long. Alors pour terminer,
comme je le disais dans un autre, il ne faut pas se laisser aveugler par le
projecteur "vert" :
-
d'une part, il n'y a pas de focalisation excessive sur le sujet, c'est juste un
rattrapage après une longue absence par le passé, une illusion d'optique due à sa
récente accession à la place qui lui est due (passer de epsilon à un tiers du
discours, ça interpelle forcément),
-
d'autre part, il n'y a pas que l'environnement mais bien les trois piliers
indissociables, qui traduisent simplement la reconnaissance des trois facteurs
de richesses pour la société : le capital financier, le capital humain et le
capital naturel.