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ataraxosphere
12 juin 2009

Agrocarburants : pas encore

   Une brève mise au point sur les agrocarburants (dénomination préférable à celle de biocarburants comme l'explique Corinne Lepage).
   Le recours à des carburants issus de cultures agricoles dédiées (actuellement, d'une part éthanol produit à partir des sucres - saccharose de canne ou de betterave, amidon de maïs ou de blé -, d'autre part diester produit à partir des huiles végétales - palme, colza, etc) peut sembler intéressant dans la mesure où le CO2 produit par leur combustion contient du carbone qui est déjà dans le cycle donc "neutre" (à la différence des carburants issus de la matière organique fossile comme le pétrole, dont la combustion remet du carbone en circulation qui accroît l'effet de serre et les perturbations climatiques).
   Cependant, la situation est loin d'être aussi idyllique.
   - Sur le bilan carbone & énergie : il en faut une certaine quantité pour produire ces agrocarburants, ce qui ampute le bilan et abaisse considérablement le rendement. Sachant qu'en plus les cultures en question ont massivement lieu sur des sols tropicaux issus de la déforestation (Indonésie, Brésil, République "Démocratique" du Congo, etc), le bilan est même carrément négatif puisque la destruction des forêts a libéré le carbone contenu dans les arbres (généralement brûlés)... et je ne parle même pas de la perturbation du fonctionnement des sols. (Par contre je ne saurais dire si, au niveau de la fixation de CO2 par la photosynthèse, l'effet du remplacement des arbres par les plantes cultivées est négatif ou pas, il faudrait des chiffres sérieux car il y a beaucoup d'idées reçues sur ce sujet).
   - Sur la biodiversité : la déforestation que je viens d'évoquer a des conséquences catastrophiques que l'on imagine aisément et que je ne détaillerai pas. Je rappellerai simplement que l'effet est négatif aussi en Europe : les terrains en jachère qui sont à nouveau cultivés servaient de refuge à une partie de la faune et de la flore... Et sans même parler des "services écologiques" que l'on perd en détruisant tous ces écosystèmes.
   - Sur les pollutions : ces plantes sont généralement cultivées suivant le modèle productiviste affreusement gourmand en intrants (engrais, pesticides, etc) à l'origine de pollutions diverses (qui nous nuisent autant qu'aux autres êtres vivants, d'ailleurs). Ne parlons même pas des OGM avec tous les problèmes que l'on sait. Par ailleurs, comme pour les carburants fossiles, les co-produits émis lors de la combustion (il n'y a pas que le CO2) peuvent aussi poser divers problèmes.
   - Sur le plan socio-économique : les surfaces et les productions ne sont plus utilisées pour nourrir les populations mais pour produire du carburant et on arrive à des situations aberrantes ! Les surfaces disponibles étant limitées (même en déforestant), cela engendre une concurrence entre filière "aliments" et filière "agrocarburants", et au final un renchérissement de l'alimentation qui aggrave encore la situation des populations qui ont déjà du mal à se nourrir et fragilise celles qui y parvenaient tout juste (on a vu ce qui s'est passé au Mexique récemment). Il existe certes des cultures qui n'entrent pas en concurrence avec les plantes alimentaires car elles ne sont pas comestibles et peuvent être conduites en des lieux impropres aux autres cultures (comme le Jatropha), mais là encore il reste des problèmes, notamment l'irrigation... or on sait que l'eau manque déjà et que ça ne va pas s'arranger.
   Et de toute façon, au vu des consommations actuelles, si on voulait passer intégralement en agrocarburants, pour couvrir les besoins il faudrait couvrir la planète de champs destinés à les produire, ce qui est irréaliste ! (Et il n'est même pas sûr que cela suffirait...)
   On ne résoudra donc pas les problèmes de la pollution liée aux transports avec ce seul moyen. Comme je l'écrivais dans un autre article, la priorité est donc aux alternatives (transports en commun, fret, etc) et à la réduction des besoins en déplacement (organisation du travail, etc).
   Pour autant, doit-on clore définitivement le sujet ? Pas sûr.
   - A petite échelle, des agrocarburants issus de leur production pourraient être utilisés sur place par les agriculteurs et constituer une approche tolérable. On peut également envisager de valoriser des excédents annuels (il est nécessaire de prévoir une production supérieure aux besoins car on ne maîtrise pas les rendements du fait des variations climatiques et autres...).
   - Plus généralement, la production des carburants à partir de la biomasse peut être intéressante, si certaines conditions sont respectées, notamment l'absence de pressions accrues sur l'environnement (ce qui obère pour l'instant les productions issues de cultures de micro-algues). Ceci pourrait être compatible avec la valorisation des déchets de l'agriculture et de la sylviculture (biomasse qui ne serait pas produite "exprès"). Il faut donc un effort de recherche vers la fabrication d'agrocarburants de deuxième génération, valorisant la biomasse ligno-cellulosique (par exemple pour le maïs, pensez à tout ce qui reste de la plante une fois qu'on a récupéré les grains...) avec un bon bilan énergétique et environnemental. Cela pourrait d'ailleurs être une alternative à la méthanisation, qui n'est pas toujours très propre (dans les dispositifs courants on se soucie du carbone, mais quid de l'azote et du phosphore par exemple ?!).
   Précisons tout de même que ces approches viendraient enrichir le bouquet des solutions disponibles, mais ne sauraient en aucun cas constituer l'unique voie.

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Commentaires
F
http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/10/19/ou-en-est-on-des-biocarburants-de-2e-et-3e-generations_1777450_3244.html
F
http://www.actu-environnement.com/ae/news/algues-algocarburants-depollution-11398.php4
F
http://www.actu-environnement.com/ae/news/fonds_demonstrateur_agrocarburant_2e_generation_8614.php4
M
Allez, un lien Florent :)<br /> http://www.agroparistech.fr/energiepositive/Production-d-ethanol-a-partir-de.html<br />
F
Vous avez dû lire trop vite... Il ne s'agit pas de trouver LA solution, en matière d'énergie le maître mot c'est la diversification. Par ailleurs les agrocarburants de deuxième génération n'auront pas forcément d'impact négatif s'ils sont issus de déchets agricoles et non de cultures dédiés. De ce point de vue les cultures d'algues sont encore loin d'être satisfaisantes en termes d'impacts pour l'instant. Enfin, sur les puits de carbone, les forêts n'en sont pas forcément (budget le plus souvent équilibré entre fixation et émission). Mais elles sont des stocks, et rien que cela suffit à justifier leur préservation.
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