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ataraxosphere
13 février 2011

La retraite, voyage dans un espace multidimensionnel

Beaucoup a déjà été dit (et mis en lien) dans cette rubrique, mais c'est le week-end alors on peut rajouter des lectures. ^^ Je reviens de chez L'Hérétique qui nous gratifie du CR d'un groupe de réflexion sur le financement des retraites à la BPCE (qui doit chercher à faire sa pub via les blogueurs) et nous rappelle ce précédent billet. Ils sont passionnants et relativement pertinents, car ils cherchent à avoir une approche d'ensemble, en abordant aussi les aspects sociétaux relatifs au travail et à la retraite. Même si la notion d'espérance de vie a encore bien du mal à être comprise (ce n'est pas l'âge moyen du décès!), je me réjouis que soit enfin pris en compte le paramètre clef qu'est l'espérance de vie en bonne santé (pas parfait mais qui permet déjà des avancées dans la réflexion). Idem sur la reconnaissance de l'activité des retraités (qui sont loin de tous se tourner les pouces, en témoigne leur dynamisme associatif notamment).

En dehors des dimensions sociétales, j'aimerais ajouter quelques bricoles sur les systèmes de financements, car il y a plusieurs dimensions imbriquées et l'approche n'est pas la même selon le bout par lequel on prend la pelote.

Les pensions de retraite peuvent être appréhendées comme un salaire différé (donc il ne s'agit pas d'une charge pour la société) ou comme un élément de la solidarité nationale (soutien aux personnes âgées qui ne peuvent plus travailler, voire qui cessent le travail avant ce stade pour bénéficier d'un repos au terme d'une vie professionnelle). Elles relèvent bien évidemment de ces deux conceptions à la fois, mais le système de financement peut accentuer le sentiment de prédominance de l'une ou de l'autre.

Il n'y a pas trente-six solutions en matière de financement : soit les fonds sont pérennes et abondés au cours de la carrière en vue d'être versés au cours de la retraite (stockage et décalage dans le temps, c'est la capitalisation), soit les pensions versées au présent sont issues des richesses produites à la même période (simultanéité des transferts sans stockage, c'est la répartition). Une autre axe recoupe ce premier classement : le caractère individuel ou collectif du transfert. En les combinant, on obtient donc quatre catégories, dont l'une apparaît nettement préférable aux autres. Voyons pourquoi.

L'argent c'est comme l'électricité, ça ne se stocke pas (ou alors au prix de telles contraintes que c'est impossible à grande échelle), donc avec la capitalisation le pognon va être utilisé (et on connaît les conséquences désastreuses du comportement des fonds de pension américains...) ; c'est d'ailleurs rendu nécessaire par l'inflation (qui oblige à investir et récupérer des bénéfices sous peine de voir le capital initial "fondre" au fil des années) et par les montants en jeu (il est rarement possible d'épargner suffisamment pour assurer un revenu de remplacement convenable à la retraite et il faut faire croître ces fonds). On voit donc l'intérêt de la répartition, qui évite les conséquences de l'inflation (tout se passe dans le présent) mais aussi les insuffisances de financements : dès lors que la population active est plus nombreuse et/ou produit assez de richesses pour assurer le versement des pensions des retraités, il n'est pas nécessaire que les gens cotisent chacun autant que le montant d'une pension.

Ce dernier aspect permet d'aborder une autre dimension majeure du système actuel par répartition (qui est la plus souvent mise en avant alors que le principal avantage est tout de même est l'absence de stockage d'argent - et des conséquences de son utilisation...) : les solidarités verticale et horizontale. La solidarité verticale est assimilée à tort au fait que les actifs cotisent pour les retraités du moment (alors que c'est un aspect technique dû à la définition même du système par répartition) mais il s'agit en fait de l'économie sur les montants en jeu (au cours de sa carrière une personne n'a pas besoin de cotiser la somme totale qu'elle touchera pendant toute sa retraite). S'y ajoute la solidarité horizontale qui est la forme la plus classique et correspond au fait que, les personnes n'ayant pas besoin de cotiser du montant équivalent à leur pension, ceux qui n'auraient pas eu les moyens de contribuer suffisamment peuvent bénéficier d'une pension aussi.

Bien sûr, aucune des quatre catégories n'est exempte d'inconvénients. Passons-les rapidement en revue en reprenant les combinaisons.

Ce qu'on pourrait qualifier de "système par répartition individualisé" n'existe pas vraiment (puisqu'on n'est pas soi-même, en même temps en activité et à la retraite), mais on pourrait faire entrer dans cette catégorie le cas où les personnes prennent en charge leurs propres parents. Il n'est viable que si la fratrie compte au moins deux personnes (puisqu'il y a deux parents) et/ou a un revenu suffisant, même si certaines parades partielles sont possibles (au niveau du logement notamment). On n'imagine guère qu'il emporte l'adhésion même s'il ressemble à ce qui devait se passer à une autre époque (et se passe sans doute encore dans le monde).

Le "système par capitalisation individualisé" est sans doute le plus vulnérable et injuste (qu'il soit public ou privé), puisque tout repose sur une seule personne, qui doit avoir les moyens d'épargner (c'est très loin d'être le cas pour tout le monde) et qui subit les risques inhérents aux utilisations financières (pour accroître le volume).

Le "système par capitalisation collectif" peut ou non avoir une dimension solidaire (horizontale) mais reste vulnérable aux éléments évoqués précédemment (qu'il soit public ou privé). Il pourrait tout de même avoir un intérêt pour les suppléments de pensions (retraites complémentaires) dans le cadre de placements d'Etat (investissements théoriquement raisonnables et d'utilité publique, par exemple en servant de prêts pour la construction de logement sociaux ou la tenue d'exploitations sylvicoles), un peu à la manière de ce que bricole la CDC finalement.

Enfin, le "système par répartition collectif" (dont il existe plusieurs variantes pour calculer les montants des pensions, par "régimes" ou par "points" selon le degré d'individualisation souhaité) est le plus avantageux, pour les raisons évoquées ci-dessus. Son principal inconvénient est sa dépendance vis-à-vis de la démographie et de l'activité économique : si les retraités deviennent très nombreux et/ou vivent longtemps, si le chômage est important, si les actifs ont des revenus moins élevés, tout cela pèse sur le financement des pensions. Mais il reste toujours possible de procéder à des ajustements (des cotisations et/ou des pensions) et d'élargir provisoirement l'assiette du financement (en mettant à contribution d'autres ressources, comme les successions ou le budget de l'Etat par exemple).

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Commentaires
F
Je n'ai pas le temps de répondre point par point aujourd'hui, mais je peux dire que cette approche comptable et individualiste va à l'encontre des principes républicains du système actuellement en vigueur et méconnaît radicalement la conception même de la notion de solidarité (sur laquelle je reviendrai plus tard). Ce qui n'empêche pas par ailleurs d'imposer (éventuellement très fortement) les successions (que ce soit dans l'absolu ou pour affecter les montants perçus aux caisses de retraite), comme je l'évoquais dans ce billet...
S
Je ne lis jamais une autre approche :<br /> le remboursement de la différence entre le montant des prestations cotisées et celui des prestrations perçues. Celle-ci se produisant au décès, dans la limite du patrimoine de l'intéressé, et son calcul étant effectué entre le moment de la mort physique et celui de la mort civile.<br /> <br /> L'analyse du problème des retraites s'appuie sur l'amalgame entre deux entités distinctes : retraités et population passive (non productive). <br /> Or entre ces deux groupes, la relation d'identité qu'on établit est purement légale, c'est un choix legislatif ; nullement une réalité de terrain, puisque le patrimoine du retraité est aussi un capital productif, simplement il est immobilisé.<br /> <br /> Le principe que je demande à voir analyser est la récupération (voire la régularisation) par la Société du trop-perçu par un retraité comparé au montant de ses apports au cours de sa vie.<br /> <br /> Pour cela, il est possible d'attribuer à l'État un droit de préemption prioritaire sur l'héritage des personnes dont le bilan social est négatif du point de vue de la société.<br /> <br /> Une autre solution (alternative ou supplémentaire) est de comptabiliser le patrimoine du retraité comme une rente post-mortem concentrée sur une seule année fiscale, et imposée en conséquence à l'impôt sur le revenu. En pratique, on considère que pendant le laps administratif, entre entre la mort physique et la mort civile, le sujet passible de l'impôt réintègre la classe des "actifs", avec des revenus équivalents au montant de son patrimoine.<br /> <br /> Cela ne peut pas être considéré exactement comme un impôt sur la succession, parce qu'il s'agit bien pour l'État de réequilibrer la balance entre le devoir d'assistance à la personne, et le patrimoine constitué par le sujet imposable. En revanche, il est vrai que cette approche permettra aussi d'introduire d'autres paramètres correctifs, variables : en fonction du déficit de la sécu, financement d'emprunts obligatoires, etc. Le retraité post-mortem devenant ainsi le citoyen idéal au service du bien public. Ce qui serait un juste retour des choses.<br /> <br /> <br /> Moralement, c'est une exigence qui s'ajoute à la nécessité d'une juste comptabilité, car si les pensions versées répondent à un choix de société, elles n'ont pas vocation à être inscrites au patrimoine privé du retraité et encore moins de celui de ses héritiers. <br /> <br /> Raisonner autrement équivaut à légaliser la spoliation de la Societé par les classes passives. La différence est ténue, entre la perception de pensions que l'on considère privatives, et l'arnaque de ces héritiers qui ne communiquent pas le décès de leur parent décédé, afin de percevoir la pension correspondante...<br /> <br /> Ouí à la solidarité des vivants. Non à la confiscation des biens publics au nom des morts.<br /> L'analyse du problème des retraites s'appuie sur l'amalgame entre deux entités distinctes : retraités et population passive (non productive). <br /> Or entre ces deux groupes, la relation d'identité qu'on établit est purement légale, c'est un choix legislatif ; nullement une réalité de terrain, puisque le patrimoine du retraité est aussi un capital productif, simplement il est immobilisé.<br /> <br /> Le principe que je demande à voir analyser est la récupération (voire la régularisation) par la Société du trop-perçu par un retraité comparé au montant de ses apports au cours de sa vie.<br /> <br /> Pour cela, il est possible d'attribuer à l'État un droit de préemption prioritaire sur l'héritage des personnes dont le bilan social est négatif du point de vue de la société.<br /> <br /> Une autre solution (alternative ou supplémentaire) est de comptabiliser le patrimoine du retraité comme une rente post-mortem concentrée sur une seule année fiscale, et imposée en conséquence à l'impôt sur le revenu. En pratique, on considère que pendant le laps administratif, entre entre la mort physique et la mort civile, le sujet passible de l'impôt réintègre la classe des "actifs", avec des revenus équivalents au montant de son patrimoine.<br /> <br /> Cela ne peut pas être considéré exactement comme un impôt sur la succession, parce qu'il s'agit bien pour l'État de réequilibrer la balance entre le devoir d'assistance à la personne, et le patrimoine constitué par le sujet imposable. En revanche, il est vrai que cette approche permettra aussi d'introduire d'autres paramètres correctifs, variables : en fonction du déficit de la sécu, financement d'emprunts obligatoires, etc. Le retraité post-mortem devenant ainsi le citoyen idéal au service du bien public. Ce qui serait un juste retour des choses.<br /> <br /> <br /> Moralement, c'est une exigence qui s'ajoute à la nécessité d'une juste comptabilité, car si les pensions versées répondent à un choix de société, elles n'ont pas vocation à être inscrites au patrimoine privé du retraité et encore moins de celui de ses héritiers. <br /> <br /> Raisonner autrement équivaut à légaliser la spoliation de la Societé par les classes passives. La différence est ténue, entre la perception de pensions que l'on considère privatives, et l'arnaque de ces héritiers qui ne communiquent pas le décès de leur parent décédé, afin de percevoir la pension correspondante...<br /> <br /> Ouí à la solidarité des vivants. Non à la confiscation des biens publics au nom des morts.
F
http://heresie.hautetfort.com/archive/2011/02/14/crever-a-la-tache.html
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