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ataraxosphere
20 septembre 2010

Les clefs de l’affaire Rom (+ un peu de maths avec Zemmour et de comm’ avec Sarkozy)

Bon nombre figurent dans cette émission, je ne vais donc pas tout recopier (d’autant que j’aimerais bien qu’on cesse de se jeter sur tous les hochets médiatiques du princident pour se concentrer sur les vrais sujets).


Europe, mensonges et zizanie
envoyé par dlrtv. - L'info internationale vidéo.

Reprenons brièvement.

Ce qui ne pose pas problème :

- évacuer des personnes occupant illégalement des terrains (conformément à la loi : violation de propriétés privées, etc) ;

- renvoyer dans leur pays des personnes en situation irrégulière (conformément à la loi : absence de titre de séjour, dépassement du délai de résidence sans revenu, actes délictueux, etc).

Ce qui pose problème :

- des communes qui ne respectent pas l’obligation légale de mettre à disposition des infrastructures adaptées ;

- des pays d’origine qui ne font pas suffisamment (voire pas du tout) d’effort d’intégration des populations concernées (malgré la réception de fonds européens dédiés) ;

- des institutions européennes qui ne contrôlent pas l’utilisation des fonds dédiés et n’agissent pas en conséquence ; 

- des évacuations brutales et précipitées (sans respecter la dignité humaine) ;

- une approche catégorielle discriminatoire (cf. infra) incompatible avec les principes républicains (par la désignation explicite d’une catégorie spécifique de délinquants dans les documents officiels, alors qu’il ne devrait y avoir aucune précision ni priorisation des cas à traiter sur cette base) ;

- une instrumentalisation médiatique et politique du sujet à des fins électoralistes et politiciennes (non seulement dans les faits, mais aussi dans les documents officiels) (sans parler de la confusion organisée, entre Roms et gens du voyage, dans un gloubi-boulga de boucs émissaires tellement absurde -les membres de ces communautés concernés par la délinquance ne représentent qu’une faible partie des problèmes de sécurité- qu’on se demande comment il pourrait passer dans l’opinion – mais n’est-ce pas Goebbels qui disait « plus c’est gros, plus ça passe » ou Audiard « les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ») ;

- un comportement et un discours déplacés (méprisants et/ou mensongers) envers des partenaires européens (eux-mêmes parfois en tort, mais là n’est pas la question) ;

- un discrédit de la parole, une dévaluation de l’image et une perte d’influence de la France en Europe et dans le monde.

On a lu et entendu beaucoup de commentaires sur les raisons de tout ceci, ne nous attardons pas trop. Ce qui est gênant, ce sont les effets. Je voudrais juste revenir sur deux points.

Premièrement, et c’est là que j’en viens à Eric Zemmour et aux mathématiques, il y a un malentendu. Demander aux forces de l’ordre de traiter les occupations illégales de terrain et de cibler en priorité les campements de Roms ne pose pas problème là où l’a souvent cru : cela ne signifie pas que tous les Roms sont des délinquants, mais que parmi les situations illégales il faut s’occuper des Roms. Et le problème est bien là : pas dans la stigmatisation d’une population (qui serait assimilée dans son ensemble à des délinquants - même si le discours y conduit par ailleurs plus ou moins implicitement, passons sur les amalgames avec d’autres actes délictueux) mais dans la création d’un cas particulier ce qui entre en contradiction avec la loi républicaine (que cela soit sur une base ethnique ou non n’est pas le sujet : la justice de la République ne reconnaît aucune catégorie de citoyens, tous sont égaux devant la Loi ; les instructions n’officielles n’auraient donc jamais dû faire mention spécifique d’une communauté, tous les cas doivent être traités, et ce de la même manière, tout simplement). C’est la même chose que dans la sortie d’Eric Zemmour sur le fait que « la plupart des délinquants sont noirs ou arabes » (ce qui demanderait à être vérifié mais semble être confirmé par des témoignages dignes de considération et ne préjuge en rien des causes réelles d’un tel état de fait) et qui a été abusivement interprétée, par un raisonnement « à l’envers » complètement erroné, comme le fait que la plupart des noirs et des arabes seraient des délinquants. La confusion mentale provient d’une ignorance de la notion de probabilité conditionnelle (qui permet l’inférence bayésienne et ce genre de joyeusetés). C’est pourtant une notion simple, au programme du lycée (du moins, ça l’était à mon époque…). Mais bon, la population est fâchée avec les maths, et même avec la logique, ce n’est pas nouveau… sachant que les gens ne savent pas penser, on ne peut guère s’étonner d’en arriver à des polémiques et des situations pareilles…

Deuxièmement, et c’est là que j’en viens à Nicolas Sarkozy, cette affaire a contribué à abimer la France, sans doute gravement et durablement. C’était l’une de mes plus importantes craintes en 2007 après son arrivée au pouvoir que je regroupais en trois catégories :

- saccage de la société (protection sociale, services publics, consensus républicain) ;

- inertie ou recul dans le domaine environnemental (malgré l’intéressant Grenelle de l’Environnement et son discours de clôture) ;

- discrédit de la parole, dévaluation de l’image et perte d’influence de la France en Europe et dans le monde (la liste n’en finit plus de s’allonger depuis plus de trois ans).

Au-delà des considérations relatives au sujet Rom en particulier, on doit s’interroger sur les implications générales en termes de communication – dans le pays, mais surtout à l’international. D’une part les incidents « diplomatiques » se sont multipliés (je ne détaillerai pas malgré leur gravité), d’autre part il y a une stratégie de communication qu’il faut analyser. Sans ouvrir ici le lourd dossier de l’immigration (par ailleurs déjà abordé dans ces colonnes), quelques éléments émergent. Si la France est et doit rester une terre d’accueil, le bon sens indique qu’il est indispensable de contrôler strictement les flux migratoires (le terme signifiant à la fois observer/vérifier et réguler/maîtriser) et de coupler cette approche rigoureuse à une politique ambitieuse de co-développement (car c’est au niveau des causes des migrations qu’il faut agir, les décisions d’expatriation étant trop souvent contraintes et subies) ; or on connaît malheureusement les limites de ces approches : il n’est ni possible ni souhaitable d’entourer le pays de murs et de barbelés contrôlés par des milliers de douaniers, tandis que les aides financières se perdent le plus souvent dans les méandres de la bureaucratie et de la corruption sans atteindre leur but (ce qui ne signifie pas qu’elles soient totalement vaines ni que d’autres voies de coopération ne doivent pas être explorées). Une autre approche, cynique et relativement abjecte, consisterait à prendre acte de cet état de fait (en sus d’une opposition ou d’un désintérêt envers les politiques de co-développement) et de frapper plus profondément, au niveau de l’image même du pays ; car si la France est une destination pour de nombreux migrants, ce n’est pas seulement pour des raisons financières (prestations sociales…) mais bien aussi en raison d’une histoire (droits humains…) et d’une réputation (terre d’accueil…) : dans cette approche, il est convenu d’altérer cette image accueillante, de donner un signal négatif afin que les migrants ne souhaitent plus venir dans ce pays (à l’inverse des « appels d’air » générés par les régularisations massives de sans-papiers dans d’autres pays). Nicolas Sarkozy a peut-être trouvé là la seule réponse vraiment efficace à la question de l’immigration (du moins à court terme et pour ceux qui la considèrent comme un problème, et il y a là matière à débat, complexe et nuancé). Mais plus encore que le fond (après tout discutable : c’est le droit d’un peuple de dire aux autres qu’ils ne sont pas les bienvenus, ou pas en nombre infini), c’est la forme, tant dans la violence épisodique que dans le caractère non réellement assumé et pernicieux de cette démarche sous-jacente, qui pose problème. Par ailleurs les conséquences de ce discrédit général ne se feront sentir que progressivement et avec décalage, et on peut craindre que les dégâts ne soient, sinon irréversibles, du moins très difficiles et longs à réparer… Les médias nous bassinent avec 2012 alors que tant de sujets urgents réclameraient notre attention, mais parfois on aimerait bien y être déjà, pour enfin tourner la page et redresser la barre…

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Commentaires
F
Heureux de pouvoir être utile :) Et merci encore, ça m'aidera à me remettre à l'oeuvre (tellement de choses à dire, mais il faut le rédiger avant de publier...)<br /> <br /> Je ne connais pas en détail l'action des états européens concernés, je ne fais que reprendre les arguments entendus dans l'émission et lus par ailleurs... mais j'ai essayé de rester général (avec "des" états et "pas suffisamment") ; sachant que la situation est sans doute pire en Roumanie qu'en Slovaquie... et sans occulter non plus l'aspect des choses que tu soulignes et que je partage, mais c'est plutôt polémique =p<br /> <br /> On peut reparler de tout ça et du reste si tu passes chez François par exemple ;-)
G
D'accord avec les commentaires de félicitations, bien sûr!<br /> <br /> Une seule remarque: les États ne font peut-être pas si peu de choses pour intégrer ces populations avec les budgets de l'UE. Je suis allé en Slovaquie à l'été 2009, et un ami slovaque m'a montré des sites où des gitans vivaient. Il m'a de plus expliqué la difficulté pour les Slovaques de co-exister avec eux. C'est pas gagné... :-(<br /> J'ajoute que c'est très frustrant pour ces populations de l'Est de voir des fonds importants être donnés aux gitans qui ne veulent pas rentrer dans le système de travail classique, se faire payer des maisons, puis même se moquer des autres parce qu'ils se font ch... à travailler.<br /> Bref, je m'interroge sur l'autre côté de la médaille de ces budgets.<br /> <br /> A+, cher Florent, et merci pour cet article qui m'aide vraiment à y voir clair.
F
Merci ^^
V
Très pertinent... Comme toujours ;-)
L
Très bien. Tout est dit, ce qui explique la longueur de l'article. à diffuser.
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