Changement climatique et défi énergétique : je réponds à Europium
Dans un précédent billet j'abordais la question
climatique qui est l'un des grands enjeux actuels. Europium a pris le temps de
faire de longs commentaires (parfois contradictoires mais vous verrez bien)
alors je vais tenter de lui répondre sur ces aspects-là (il parle aussi de la
fiscalité mais je consacrerai un autre billet à la taxe carbone). Je vais
intercaler mes commentaires en italique. Je conseille comme sources
d'informations cet article de Vincent et le remarquable site de Jean-Marc
Jancovici.
Action de l’homme sur la
planète, fiscalité écologique et changement de civilisation
Vision globale du problème et petits rappels
>> Je parlerai plus loin des questions de
réchauffement vs changement, implication ou non des humains, etc. Il n'y a pas
consensus parfait dans la communauté scientifique, mais cela ne signifie pas
que rien n'est sûr ou qu'il ne faut rien faire tant qu'on n'a plus aucun doute.
>> Encore une fois, restons dans le cadre du
réchauffement pour l'instant. Effectivement, peu importe le poste principal,
dans le cas d'un déséquilibre ou d'un excès cela peut provenir de contributions
infimes devant les autres... (et il ne faut pas oublier que les différentes
molécules n'ont pas la même "puissance d'action" et que certaines
sont des centaines de fois plus efficaces que l'eau) Pour prendre une image,
dans votre budget mensuel, vous dépensez beaucoup pour votre loyer, mais ce
peut être l'achat d'un simple livre qui vous "met à découvert"...
>>Personne ne dit qu'il y a une solution unique...
Simplement l'outil fiscal fait partie de la panoplie alors il serait dommage de
s'en priver, d'autant plus que certains ont de bonnes raisons de penser qu'il
pourrait être très efficace... En l'occurrence cette fiscalité n'a pas de lien
avec le passé mais tente au contraire d'anticiper et d'orienter l'avenir, en
commençant dès à présent. Elle n'a pas d'influence sur le carbone fossile déjà
remis dans le cycle général (même si on pourrait trouver certains liens, mais
ne compliquons pas).
>>Cette fiscalité n'est ni plus ni moins
démocratique que les autres... Son but est effectivement d'aider à orienter les
comportements, selon le simple bon sens (dissuader ceux qui ont des
conséquences néfastes et encourager ceux qui ont moins d'impacts négatifs).
L'idée originelle prévoit toute une série de conditions pour que les choses se
passent "bien" : ainsi notamment de la progressivité et de la
prévisibilité de cette progression. Car il ne s'agit que d'anticiper dans la
douceur et de façon maîtrisée, des évolutions qui sont inéluctables mais qui
arriveront de manière parfois brutale et imprévisible, non maîtrisée ; cette
approche a l'avantage supplémentaire de dégager des marges de manoeuvre pour
d'autres actions. Il ne s'agit absolument pas de "taxemanite"
idéologique mais d'une solution technique objectivement élaborée, et je crois
même qu'elle appelle en parallèle un changement des autres fiscalités (notamment
en organisant une diminution des prélèvements sur le travail). Les gens ne sont
pas responsables de ce qui les précède, mais ils le sont de ce qu'ils font dans
le présent et des impacts de leur comportement dans l'avenir (à commencer par
les conséquences pour leurs propres enfants).
>>Encore une fois, personne ne dit que c'est le
seul moyen. Mais il peut y contribuer, qui plus est de manière efficace... Il
n'est pas question de jugement sur le citoyen, mais de constat : ces nécessités
sont connues depuis des années (20 à 40 ans), médiatisées depuis plusieurs
années (au moins depuis 2002), intégrées depuis 2007... et pourtant les faits
sont là : presque rien n'a changé, les gens n'ont (quasiment pas) modifié leur
comportement. Alors il faut passer à l'action ! Le fameux "signal
prix" (qui n'est pas une sanction! il faudrait développer cela) en fait
partie.
>>Ce sont deux choses bien distinctes. Personne
ne conteste les progrès permis par ces techniques (d'autant plus qu'à l'époque,
on ignorait les conséquences). Cela justifie-t-il de continuer ? D'autant plus
lorsqu'on sait qu'il y a des conséquences dangereuses ? Et puis il ne
s'agit pas de sanctionner le passé, mais d'orienter le futur. Ce qui est fait
est fait ! Et la fiscalité n'y changera rien ! En l'occurrence, parler de
maîtrise est un peu exagéré puisqu'on voit qu'il y a eu des conséquences à
cette utilisation, et qu'elles risquent d'être très graves, et bientôt
incontrôlables... Il s'agit donc d'une illusion permise par le fait qu'elles
ont été différées dans le temps !
>>Qu'entend-on par abondante ? Disons déjà,
apte à satisfaire les besoins vitaux. Vous imaginez bien que les défenseurs de
ces thèses ont pensé à cela et qu'ils ne sont pas tous des élucubrateurs
dogmatiques... comprenez bien qu'un certain nombre de ces zélateurs sont des
scientifiques, qui ont une approche sérieuse conduisant à des réponses purement
techniques éprouvées par leurs études. Ils ont montré qu'il était possible de
conserver (ou d'accéder à) un niveau de confort appréciable avec les
technologies existantes. Cela suppose évidemment de faire des économies dans
les pays développés (dont une grande partie est possible simplement en limitant
les gaspillages) et de faire appel à des alternatives aux combustibles fossiles
à l'échelle de la planète entière (et pas seulement le nucléaire, qui n'est
d'ailleurs qu'une solution facultative, et en tout état de cause, provisoire).
>>moi aussi ^^
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Oui a moins de penser que
Claude Allègre a raison sur ce point, mais il a raison sur le fait que la taxe
carbone à la française est une hérésie !!!!
>>Laissons de côté la taxe carbone. Du point de
vue climatologique et sans préjuger des causes ni de la nature
unidirectionnelle ou diverse des phénomènes, il semble bien que le climat connaisse
des variations, d'amplitude non négligeable. L'humanité va donc devoir s'y
adapter.
Oui à moins de penser que la
fonte des glaciers en montagne n’est qu’une illusion d’optique et que la
banquise diminue par l’opération du saint esprit. Ces deux faits sont prouvés
scientifiquement. A l’échelle d’une ère géologique cette fonte des glaciers
récente ne signifie pas grand-chose car ce peut-être un epiphénomène, un
phénomène passger comme il y en a toujours eu, mais ce peut-être un signe
positif du début d’un réchauffement climatique à long terme.
>>Sur ce point je serais beaucoup plus mesuré.
D'autant plus qu'il n'est absolument pas essentiel à la suite des discussions. Des
controverses scientifiques ont bel et bien lieu sur cet aspect, et on ne peut
les balayer d'un revers de main. Il faut déjà noter que les effets des
changements climatiques ne sont pas les mêmes (en ampleur et même en nature)
selon l'endroit de la planète considéré. Les valeurs moyennes n'ont guère de
sens en ce domaine (aucune signification de "compenser" les
températures polaires et équatoriales ou diurnes et nocturnes, par exemple).
Sur la fonte des glaces, je ne peux pas être trop long mais il faut bien
comprendre certaines choses (sachant que je n'écris que de mémoire sans avoir
tout révérifié). Les glaces fondent chaque année, simplement elles sont
renouvelées par les précipitations (neige, etc). Les reculs de glaciers
montagnards constatés, et dans une certaine mesure les diminutions de banquise,
peuvent être dus en grande partie à des modifications du régime de
précipitations : s'il y a moins d'apport en saison "favorable", les
pertes de la saison "défavorable" ne sont plus compensées et la glace
régresse. Les observations primaires peuvent donc être trompeuses. Mais les
choses peuvent être encore plus compliquées : les modifications évoquées peuvent
tout de même être liées aux changements climatiques ! N'allons pas plus loin
pour cette fois. Ajoutons simplement que, comme vous le dites, il peut
également s'agir d'épiphénomènes provisoirement à rebours d'une tendance de
fond, comme cela arrive souvent.
Cf. les articles sur
l’anthropocène
>>C'est pourtant un aspect très contesté. Nous
avons déjà vu que ce n'est pas parce que le dioxyde de carbone est moins
abondant que la vapeur d'eau qu'il ne peut pas déséquilibrer le système. Mais
certains arguent du fait que les éruptions volcaniques (par exemple) sont bien
plus influentes que l'action humaine... Cela mérite réflexion même s'il ne faut
pas sous-estimer les quantités considérables émises depuis la révolution
industrielle et plus encore depuis la seconde guerre mondiale... ainsi que
celles qui se profilent si on ne fait rien (charbon en Chine, etc). Au minimum,
il paraît raisonnable de considérer que ces contributions participent aux
déséquilibres climatiques, fût-ce en complément de causes naturelles.
Restons-en là pour cette fois.
Non car l’effet de serre est
un phénomène naturel et indispensable à la vie sur terre. Le principal gaz a
effet de serre est la vapeur d’eau, le CO2 c’est 25%, puis il y les autres gaz
qui contiennent ou du carbone. L’activité humaine entraîne l’augmentation de
l’émission de gaz qui augmenterait logiquement l’influence de l’effet de serre
sur le climat. Si réchauffement il y a, l’évaporation de l’eau augmente
inéluctablement aussi…etc…
>>Là je ne suis pas d'accord, je vous renvoie aux paragraphes
précédents. D'autant plus que j'ai bien précisé la possibilité de
"partiellement" !
Vaste question. Oui, puisque
que l’on parle déjà de la guerre de l’eau. Les principales réserves d’eau
douces sont les glaciers. S’ils diminuent cela aura inévitablement une
influence sur l’activité humaine : agriculture, hydroélectricité, géopolitique
car l’eau devenant rare sera et est déjà source de conflit, etc…
Sur l’environnement,
influence aussi car les cycles climatiques sont régulés en partie par un jeu de
températures entre les océans et les deux pôles. Comme le climat a une
influence sur l’environnement il y des perturbations de plusieurs ordres…
>>Très juste, la question de l'eau est
structurante et passe avant bien des autres... J'envisageais un autre débat,
sur la balance entre conséquences "positives" et
"négatives" (puisqu'il y aura les deux et certains ne veulent
considérer que ce qui les arrange, à savoir le positif) mais n'alourdissons pas
plus ce billet ^^'
NON c’est comme si on essaye
de maîtriser l’énergie développé par un orage à moins de réussir à inverser la
tendance ce qui n’est pas près d’arriver.
>>Autre désaccord : ce n'est pas la peine de
rappeler sans arrêt l'anthropocène pour dire ensuite que l'humanité n'a pas
d'influence sur les phénomènes planétaires ! En l'occurrence, on peut
considérer que, au minimum, si on arrêtait tout immédiatement, seules les
conséquences des actions passées auraient lieu et les choses n'empireraient pas
(à moins de considérer que l'on a déjà atteint un seuil d'auto-emballement du
système, ce que certains évoquent...) voire s'arrangeraient progressivement
avec la capacité de la planète à lentement absorber le dioxyde de carbone émis
par les activités humaines. C'est évidemment impossible, mais là encore des
gens sérieux estiment d'après leurs études qu'il est possible de ne pas empirer
les choses si on limite (pas besoin d'arrêter ni de diviser par 100, mais seulement par 2
ou 3) les émissions actuelles.
NON. La population mondiale
s’est largement accrue grâce à la révolution industrielle qui a permis bons
nombres de progrès. Sans énergie il n’y a pas d’activité humaine pour une
population aussi importante, c’est con mais c’est comme ça.
>>Il y avait deux niveaux de réflexion.
D'abord, la limitation des émissions (tout en conservant un accès à l'énergie
pour la population mondiale) : j'en ai déjà parlé plus haut, si des
spécialistes estiment que c'est possible, ce n'est pas des paroles en l'air.
Ensuite, indépendamment de la question énergétique, il y avait l'adaptation des
populations aux changements climatiques : par exemple par des migrations, qu'il
s'agisse d'un recul depuis les côtes vers les terres (à cause de la montée du
niveau de la mer ou de la fréquence accrue de phénomènes météorologiques
violents) ou de mouvements à plus longue distance comme l'abandon de zones
durement touchées (Sahel, Méditerranée, etc) ; on peut aussi évoquer
l'évolution des pratiques agricoles (les britanniques se préparent à recultiver
des vignes, etc) et divers autres sujets.
>>Je vais finir par croire que vous le faites
exprès...
Juste une réflexion, la
liquéfaction du charbon conduit à produire de l’essence. Les chinois, les
américains sont sur le créneau. Avec un baril a 60 dollards c’est rentable… les
réserves en charbon représentent 80% de l’énergie fossile (7 fois plus que le
pétrole). D’après les spécialistes il y en a pour 150 ans…et en terme de
pollution il n’y pas pire que l’utilisation du charbon sous toutes ses formes
>>Je ne maîtrise pas le sujet, mais pour ce que
j'en ai lu c'est loin d'être aussi évident (ne serait-ce que parce que le
procédé consomme de l'énergie lui aussi). Et même en admettant que l'on fasse
fi des questions de pollution et de climat, et que ceci résolve
(provisoirement, car si la Chine et l'Inde adoptent le mode de vie américain,
les réserves vont fondre comme neige au soleil) la pénurie, il reste encore le
problème du prix... qui sera tout de même bien plus élevé que ce que l'on
connaît actuellement.
>>Ce n'est pas les informations que l'on entend par ailleurs, que ce soit chez Jean-Marc Jancovici ou d'autres. Et il y a une confusion entre les réserves disponibles et le moment où les prix vont monter : car ils ne vont pas rester à leur niveau actuel jusqu'au dernier pourcent de réserve où ils vont flamber d'un seul coup ! L'augmentation va commencer dès lors qu'il y aura encore des réserves mais plus assez pour tout le monde ; en fait même bien avant cela, quand la croissance (cet absurde principe exponentiel) de la production s'arrêtera et lorsque cette dernière connaîtra un plateau avant de décroître inéluctablement (le fameux "peak oil" qu'on nous annonce pour 2015, voire 2030 pour les moins pessimistes). Et puis, énergie dominante ne veut pas dire qu'on ne doit pas penser à l'alternative avant l'échéance !! Vous imaginez s'il fallait changer drastiquement du jour au lendemain ? Les alternatives (qui EXISTENT) doivent monter en puissance progressivement pour que la transition soit la plus douce possible. C'est tout l'enjeu des politiques publiques (y compris fiscales) en la matière : l'anticipation et la progressivité.