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ataraxosphere
20 décembre 2008

Une réforme à coups de serpe du système de recherche et d’enseignement supérieur français

Bien que le qualificatif puisse s’appliquer aux actions menées par le gouvernement actuel, il concerne en fait ce billet où j’expose les grandes lignes de ce qu’il conviendrait de faire en la matière. Je projette évidemment de détailler tous ces points (et de nombreux autres), mais... cela prendra du temps et il s’agit donc d’une oeuvre sur la durée. Je précise tout de suite que j’approuve un certain nombre des objectifs de la ministre actuelle mais que je conteste souvent leur mise en oeuvre, car si les paroles vont assez souvent dans le bon sens, les actes sont rarement satisfaisants, quand ils ne vont pas carrément à l’opposé du but affiché... En particulier, j’estime que de nombreuses mesures sont intéressantes et même utiles, à la condition expresse qu’elles soient complémentaires, et non substitutives, du système “classique” qui se voit remis en cause (il requiert effectivement des modifications, mais sur d’autres plans).

Rappelons cette évidence : malgré tous ses défauts, le système de recherche et d’enseignement supérieur (SRES) français (je ne dissocie pas les deux aspects, à dessein) est non seulement performant, mais c’est même l’un des meilleurs au monde. Ce ne sont pas des approches purement comptables et infestées de biais qui soutiendront sérieusement le contraire. Pour autant, il convient de corriger ces nombreux défauts, afin de maintenir et d’améliorer les performances actuelles.
Seule une approche systémique, dans l’espace et dans le temps, permettra d’y arriver : il faut prendre en compte le dedans et le dehors, ainsi que l’avant, le pendant et l’après.

J’approuve la volonté de simplifier l’architecture du SRES français et de le recentrer sur les Universités (je vais d’ailleurs axer volontairement mon propos ainsi). Toutefois :
- ceci n’implique pas forcément la disparition pure et simple du CNRS (vous n’êtes pas sans savoir que la politique actuelle au sujet de cet organisme peut se résumer en un mot : dépeçage - et ce n’est pas du vocabulaire syndicaliste) ;
- on pourra prendre toutes les mesures que l’on voudra sur l’organisation et le fonctionnement des Universités, elles seront sans effet si d’autres facteurs ne sont pas pris en compte, par exemple l’orientation (avant), les écoles d’ingénieur (pendant) et les entreprises (après).

Je vais segmenter mon exposé mais chacun des points évoqués doit être envisagé en fonction des autres, dans un processus interactif.

1) Avant l’Université

Avant de pleurnicher sur les taux d’échec en première année à l’Université, il faudrait déjà se demander pourquoi la moitié des étudiants qui chauffent les bancs des amphis n’ont rien à faire là (pour diverses raisons ; et la sélection est un sujet annexe, sur lequel je reviendrai dans un autre article). Cela passe notamment par deux points principaux, à aborder dès la maternelle et à toutes les étapes du parcours scolaire :
- l’orientation (qui dépendra évidemment des mesures prises pour le “pendant” et “l’après”,  ainsi que de la vision de la société sur les métiers... j’en reparlerai aussi) ;
- la formation : on ne peut pas baisser continuellement le niveau juste pour obtenir des statistiques agréables à l’égo (comme 80% de réussite au bac) et s’abstenir de gérer des cohortes de doublants et les inflations d’effectifs associées, car à l’arrivée (en bout de cursus) pour être compétent il faut au minimum toujours le même niveau (et avec les progrès de la connaissance il faut en fait toujours plus d’acquis) ; il est donc indispensable que l’Université et l’Education Nationale communiquent et élaborent conjointement les programmes, dans une vision globale et à long terme du parcours éducatif (c’était d’ailleurs l’une des conclusions du débat sur le bac organisé par les Jeunes Démocrates de Paris en juin 2008 : Lycée et Université doivent cesser de l’ignorer mutuellement, puisque le bac est à la fois un diplôme sanctionnant la fin des études secondaires ET un examen d’aptitude à entrer dans le supérieur).

2) Pendant l’Université

C’est le coeur du sujet, mais il ne doit pas occulter les deux autres parties car envisagé seul il est condamné à être inopérant (malheureusement, cela semble être l’approche actuelle) ; je n’aborderai que quelques éléments ici :
- la professionnalisation : c’est une nécessité, mais cela suppose de reconsidérer l’architecture de l’enseignement supérieur dans sa totalité (inutile de faire des filières d’ingénieurs bis avec les masters professionnels, réintégrons plutôt les écoles dans l’Université ; n’oublions pas non plus les IUT, qui sont plutôt performants sur cet aspect) et de ne pas imposer un modèle unique, car l’Université ne saurait se réduire à un centre de formation pour les entreprises (cette vision est complètement à côté de la plaque et dangereuse pour l'avenir ; et à ce titre remarquons que la formation des chercheurs nécessite des filières avec des contenus particuliers, autres que celles du parcours de type “ingénieur”) ; cela nécessite aussi des relations avec l’entreprise (oui aux stages... mais encore faudrait-il que les entreprises acceptent des stagiaires ! c’est un vaste sujet que je ne creuserai pas plus cette fois-ci) ;
- la formation théorique et pratique : il faut revoir les contenus et les modalités d’enseignement et d’évaluation, je ne détaillerai pas ici (de plus je viens d’évoquer la question des stages) mais je mentionnerai un point crucial, celui des moyens pour la formation pratique (qui diffère selon les filières et rend caduques les revendications d’une égalité de moyens ; mais dans tous les cas il va falloir que l’Université s’équipe sérieusement si elle veut proposer des formations satisfaisantes tant du point de vue qualitatif que quantitatif).

3) Après l’Université

Deux débouchés essentiels, aussi importants l’un que l’autre même si quantitativement ce n‘est pas le même volume...

- l’emploi en entreprise : il est évident que l’Université et l’Entreprise doivent cesser de s’ignorer ; pour autant, la difficulté des diplômés universitaires à s’insérer sur le marché du travail ne vient pas tant de l’inadéquation de leur formation (qui, si elle n’est certes pas parfaite, reste performante, et d’ailleurs on n’arrive jamais immédiatement opérationnel à un poste, rien ne remplace une période de formation sur le tas et il est illusoire d’attendre autre chose, il est impossible de créer autant de formations spécialisées que de fonctions précises dans les diverses entreprises, c’est pourtant évident ; mais il existe des solutions à cela) qu’à la méconnaissance, la méfiance et le mépris dont ils sont l’objet, et surtout à ce mal qui gangrène notre société et est à l’origine de nombreux maux (que je ne détaillerai pas ici), à savoir l’endogamie sociale (une grande entreprise recrute essentiellement dans son vivier d’anciens stagiaires, lesquels sont des membres de la famille des employés et/ou des diplômés issus de la même école ou du même réseau que les cadres aux responsabilités.....) ;
- la recherche publique : il est évident que l’organisation et le fonctionnement ubuesques du système actuel doivent être changés, mais cela n’implique pas de tout détruire ou de démanteler ce qui marchait bien, qui plus est sous des prétextes fallacieux (vous connaissez l’antienne en matière de réforme d’organismes publics : “quand on veut se débarrasser de son chien, on l’accuse d’avoir la rage”... et c’est rarement sans arrière pensée... et ne concerne pas que la recherche, loin s’en faut...) ; je ne suis pas en mesure de statuer ici en ce qui concerne l’avenir du CNRS (bien que je sois sensible à certains des arguments qui plaident en faveur de son maintien) mais il est certain que la plupart des autres établissements existants doivent, eux, disparaître au profit d’un recentrage sur l’Université (et éventuellement d’une intégration partielle dans ce qui serait conservé du CNRS) ; je ne vais pas énumérer toutes mes propositions en matière de recherche universitaire car ce serait bien trop long et en plus je n’ai pas fini de les élaborer, je dirai simplement qu’il faudra plus de rigueur mais aussi de pragmatisme et de souplesse dans le déroulement des carrières (par exemple avec une répartition des fonctions d’enseignement et de recherche - clef de voûte du système et applicable à TOUT le personnel - en proportions variables selon les périodes de la vie et les aspirations individuelles, un petit peu comme avec le système actuel de délégation CNRS existant pour les MCU).

Tous ces points seront progressivement repris et développés dans des billets sur ce blog et sur le forum des commissions nationales au cours des mois prochains. J’attends vos premières réactions et suggestions...

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Commentaires
F
Merci d'avoir tout lu :) Le style est imbuvable, mais je n'ai pas trouvé d'autre moyen de m'exprimer qu'avec toutes ces incises : peut-être devrais-je préférer des notes en bas de billet ? <br /> <br /> Ta collègue n'a pas vraiment tort, mais ce cynisme institutionnalisé est injustifiable et dangereux ; malheureusement, le changement que tu évoques (dont je confirme la réalité) est, comme souvent dans ce pays, engagé trop loin dans l'autre sens... A quand des politiques mesurées (au lieu des mouvements de balancier d'un extrême à l'autre) ??
F
Et nous nous attendons la suite ! :-) Mais ça paraît très intéressant. J'ai une collègue qui dit que la fonction première de l'Université est de retarder le chômage... Et telle que la conçoit l'Etat, je ne peux pas dire le contraire. J'ai l'impression que c'est en train de changer.
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