Révision constitutionnelle : le MoDem entre sarkozysme et anti-sarkozysme ? (2/2)
Seconde
partie, "la forme".
Car
la stratégie (et d'autres facteurs) intervenaient au moins autant que le fond
et les convictions dans cette affaire... N'oubliez pas d'aller lire le billet
de L'Hérétique sur le sujet qui
paraîtra le 13 août.
Quelques motivations
possibles d'un vote "pour"
-
être sarkozyste (que ce soit de la discipline partisane ou une volonté de ne
pas le mettre en difficulté ; voire un réel accord sur le fond du texte,
puisque cela y revient)
-
vouloir sauver ses fesses de parlementaire (notamment de sénateur...)
-
céder à des pressions et/ou à des promesses
-
s'imaginer (à tort) que les quelques éléments positifs du texte sont toujours
ça de pris, que les éléments importants qui manquent seront pour la prochaine
fois, que les éléments néfastes ne le sont pas tant que ça et/ou sont compensés
par les maigres avancées qui les accompagnent
Quelques motivations
possibles d'une abstention
-
être sarkozyste (que ce soit de la discipline partisane ou une volonté de ne
pas le mettre en difficulté ; voire un réel accord sur le fond du texte,
puisque cela y revient), car une abstention réduit mécaniquement le seuil de
votes "pour" à atteindre pour faire adopter le texte
-
vouloir sauver ses fesses de parlementaire (notamment de sénateur...)
-
céder à des pressions et/ou à des promesses
-
ne pas vouloir cautionner le texte à cause des éléments néfastes et/ou des
éléments importants qui manquent, mais ne pas vouloir le rejeter car il
contient des avancées ; signifier que la copie doit être revue
-
ne pas prendre trop de responsabilité dans l'affaire, "ne pas trop se
mouiller"
Quelques motivations
possibles d'un vote "contre"
-
être anti-sarkozyste (que ce soit de la discipline partisane ou une volonté de
le mettre en difficulté)
-
ne pas vouloir cautionner le texte à cause des éléments importants qui manquent
; signifier que la copie doit être revue
-
rejeter le texte à cause des éléments néfastes (un réel désaccord sur le fond
du texte)
Je
considère qu'un parlementaire lucide et honnête, non sarkozyste mais sans être
forcément anti-sarkozyste, avait le choix entre s'abstenir (ce qui, on l'a vu,
revient mathématiquement à un soutien "light") et voter contre ce
texte.
Le
seul argument pour un vote "pour" qui mériterait considération est
celui selon lequel les petites avancées contenues dans le texte sont toujours
bonnes à prendre, les autres points nécessaires étant repoussés aux calendes grecques à la prochaine révision constitutionnelle et les points néfastes
étant "compensés" ou pas si graves que ça. C'est une grave erreur
(même Corinne
Lepage le mentionne) :
-
on l'a vu dans la première partie du billet, il y a de nombreux motifs
d'inquiétude et de désaccord vis-à-vis de ce texte ;
-
cela procède d'une attitude naïve intenable en politique, comme dans la vie de
tous les jours (lorsque j'achète un panier de légumes pour ratatouille, je
refuse ceux où la moitié des tomates sont pourries et où manquent les
aubergines et les poivrons - quelle que soit la qualité des courgettes) ;
-
il était indispensable que les modifications les plus importantes (évoquées
dans la première partie du billet) aient lieu cette fois-ci car elles seules
sont garantes d'une vie démocratique digne de ce nom et dont le pays a un
besoin urgent ; les repousser à dans cinq ans ou plus est criminel car d'ici là
de nombreux problèmes se seront aggravés voire n'auront plus de solution...
C'est
encore plus prégnant pour le Mouvement Démocrate, qui en l'absence des
changements évoqués (la proportionnelle, mais pas seulement) a d'ores et déjà
perdu les élections de 2012 et donc tout espoir de résoudre les problèmes de la
France. Cela peut paraître égoïste ou ridiculement partisan, mais cette
réflexion ne concerne le MoDem qu'indirectement : en fait c'est la France qui
est perdante dans cette affaire - car s'il n'est pas totalement certain que le
MoDem soit l'avenir du pays, il y a de bonnes raisons de penser que c'est le
cas, et surtout personne ne peut objectivement contester que l'avenir de la
France ne passera ni par l'UMP ni par le PS, sauf à envisager pour ce pays de
multiples calamités... Et qu'on ne vienne pas me dire que ce sont les idées qui
comptent plus que les règles du jeu : les règles sont un préalable à
l'expression et à l'application des idées. Disons que les idées sont le
carburant et les règles d'organisation et de fonctionnement sont le véhicule.
Un véhicule sans carburant ne sert pas à grand chose, certes ; mais du
carburant seul, non plus. Et le véhicule conditionne l'utilité et l'utilisation
du carburant. Voilà tout. Dorénavant je ne vois plus l'intérêt de se battre et
de s'investir dans une structure qui de toute façon n'aura aucune influence sur
la vie du pays (même si François Bayrou était élu en 2012). Quand je pense à
tout ce temps et cette énergie gâchés... Et plus encore aux conséquences de
tout ça et à l'avenir funeste du pays...
J'ai
quand même encore quelques trucs à dire avant de clore ce billet (et peut-être
ce blog, puisque pour des raisons professionnelles Frédéric aura d'autres chats
à fouetter dorénavant).
Ce
billet est censé parler de forme, alors parlons-en !
Le
sujet qui nous occupe, d'abord. J'ai été très déçu par ce que j'ai lu et
entendu suite à ce vote : la plupart des réactions, comme dans ces abrutis de
médias, se sont quasi-exclusivement focalisées sur des éléments de posture et
de stratégie au lieu de s'intéresser au fond. Le plus drôle (enfin, c'est
surtout énervant), c'est que les arguments que les gens se sont envoyés à la
figure sont parfaitement symétriques et pouvaient être échangés moyennant
quelques changements mineurs (de préfixe notamment...). Ainsi de ceux qui ont
fustigé les "nonistes" en les traitant d'anti-sarkozystes pavloviens
(alors qu'on a vu qu'il y avait des motifs sérieux à un vote "contre")
tandis qu'ils se faisaient eux-mêmes vilipender pour sarkozysme et trahison
(alors qu'on a vu qu'il y avait des motifs naïfs mais sincères à un vote
"pour"). De même le fait de voter à l'identique ou à l'opposé de sa
formation fut-il considéré tour à tour comme du suivisme aveugle dénué de
conviction et comme de l'héroïsme intègre, et réciproquement - alors qu'on a vu
que les motifs de chaque vote pouvaient être l'un ou l'autre, et surtout que
ces aspects n'avaient rien à voir avec la nature "bonne" ou "mauvaise"
du vote en question ! (par exemple on peut très bien choisir de voter
différemment de son camp en suivant ses convictions mais pourtant faire un
mauvais choix...) (même chose pour le fait qu'un vote soit par nature
"bon" ou "mauvais" sous prétexte qu'il serait identique ou
opposé à celui de l'UMP ou du PS - raisonnement absurde mais malheureusement
répandu même au MoDem) Je suis très déçu (et ulcéré) que la blogosphère, qui
est censée être moins bête et plus honnête que les journalistes, faire office
de citoyenneté réelle, eh bien qu'elle tombe dans les mêmes travers de
théâtralisation et de désinformation. C'est à désespérer de tout.
Quoi
qu'il en soit il y a un gros problème au MoDem. Je n'irai pas jusqu'à décrire
les différentes catégories d'adhérents ni appeler ça la boîte
à cons mais je tiens à en dire quelques mots. Je passerai sur les taupes de
diverses espèces, de droite comme de gauche, qui ne sont là que pour torpiller
ce Mouvement qui était l'espoir du pays, ainsi que sur les arrivistes et autres
carriéristes dont il foisonne, hélas. Hors taupes, je pourrais m'étendre
longuement sur les ex-UDF sincères et leurs réflexes canoniques qui ne sont pas
fichus de mettre leurs actes en accord avec leurs idées : ils pensent et
agissent désormais comme des Nouveau Centre (et cette sensibilité se respecte
et fait partie du paysage politique français ; d'ailleurs je le dis haut et
fort, lorsque les départs ont lieu hors période électorale ils sont courageux
et non traîtres et n'ont pas à subir injures et quolibets) mais ont suivi
François Bayrou dans sa démarche d'indépendance en votant massivement lors des
Congrès depuis deux ou trois ans : qu'ils clarifient les choses une bonne fois
pour toutes (à commencer vis-à-vis d'eux-mêmes) et qu'ils prennent les
décisions qui s'imposent ! (soit rejoindre une formation en adéquation avec
leur pensée, NC, PRV, AL ou autre ; soit faire leur aggiornamento - par
exemple, "social" n'est pas un gros mot - et entrer enfin dans la
démarche Démocrate). Mais ils ont déjà été suffisamment critiqués (plus ou
moins judicieusement). Toujours hors taupes, il me faut mentionner une autre
catégorie qui me tape sur le système elle aussi : les arrivants de gauche
sincères qui n'ont pas changé leurs pratiques et idées d'un iota. Va falloir se
rentrer ça dans le crâne : le MoDem n'est ni dans l'opposition ni dans la
majorité, il n'est ni à gauche ni à droite, il ne prône d'alliance systématique
ni avec le PS ni avec l'UMP mais uniquement des majorités d'idées, ponctuelles
et changeantes selon les sujets, dans l'intérêt général. Si Sarkozy propose
quelque chose de bon pour le pays, alors le MoDem le soutiendra (même s'il faut
avouer qu'il ne nous aide pas beaucoup... hem), quels que soient les (nombreux)
désaccords qu'il a avec lui par ailleurs ! La vocation du MoDem n'est pas
d'être un partenaire obligé (et encore moins un supplétif) du PS ! Que ceux qui
veulent un parti socio-démocrate ou je ne sais quelle fumisterie socio-libérale
aillent le fonder (ou changent le PS ou le PRG de l'intérieur) et arrêtent de
parasiter le MoDem ! Sinon, qu'ils fassent l'effort de discuter avec les ex-UDF
(et d'autres) et de considérer la réalité (par exemple économique) au lieu de
ressasser en boucle leurs rengaines gauchistes éculées, bref qu'ils fassent
leur aggiornamento et entrent enfin dans la démarche Démocrate. A moins que
François Bayrou n'ait décidé de surfer sur la vague et de prendre la tête d'une
telle formation de centre-gauche (c'est son droit), mais dans ce cas, d'une
part il faut qu'il le clarifie et l'explicite, d'autre part ce sera sans moi
car cela ne correspond pas à son appel citoyen du printemps 2007 et ne
m'intéresse absolument pas.
Mais
revenons à nos moutons : au-delà des questions de fond et de forme ou de
posture, il reste la question fondamentale du vote des élus du MoDem.
Si
je suis plutôt d'accord avec L'Hérétique
au sujet du centralisme démocratique, qui me paraît excessif, on ne peut
toutefois pas accepter sans réagir le comportement des sénateurs (assez néfaste
au sujet de la révision constitutionnelle ; criminel au sujet de la loi sur les
OGM).
Je
cite ce commentaire
de BGR :
<<Les
parlementaires démocrates ont évidemment la liberté de vote qui est prévue dans
les articles 4 et 5 de notre Charte éthique : " Les élus ne relèvent pas
d’un mandat impératif, ils exercent leur mandat en conscience. " ; "
Dans tous les groupes politiques d’élus qui se réfèrent au Mouvement démocrate
la liberté de vote est la règle. "
Les
parlementaires relèvent aussi, et surtout, de l'article 27 de la Constitution :
" Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement
est personnel. "
Il
n'est donc évidemment pas question de remettre en cause cette pratique.
Par
contre, il faut à un moment ou un autre se poser la question de la cohérence de
notre Mouvement. Heureusement que Jack Lang occupe le devant de la scène
médiatique, parce que nous aurions beaucoup de mal à expliquer ce que nous
voulons, collectivement, au sujet des institutions, comme sur d'autres sujets
comme les OGM.
A
ce propos, l'article 9 de notre charte éthique est aussi applicable aux
Parlementaires adhérents du Mouvement Démocrate : " Les adhérents du
Mouvement démocrate reconnaissent pour l’action en commun la nécessité de
l’organisation. Ils acceptent de s’inscrire dans la discipline et la cohérence
de cette action. "
Saurons-nous
trouver le juste équilibre ente liberté de l'individu et cohérence collective
?>>
(Je
passerai sur l'inégalité de traitement par la CCC entre les élus et les
militants ("un poids, deux mesures") au sujet des
"dissidences", cela a été discuté par d'autres.)
C'est
bien gentil la liberté de vote, mais concrètement, que se passerait-t-il si un
de nos élus votait toujours à contre-courant ? (je me demande pourquoi
j'utilise le conditionnel...) Ne faudrait-il pas se poser des questions ?
Qu'est-ce qui justifierait son appartenance au MoDem ?
C'est
bien gentil la diversité d'opinion, mais que cela ne devienne pas un prétexte à
la chienlit ! Sur certains sujets on ne transige pas, sinon nous ne pouvons
nous réclamer de la même identité. Certains éléments sont objectivement en
accord ou en désaccord avec nos principes et objectifs, tout ne se discute pas
(la révision constitutionnelle, à la rigueur, au moins sur certaines nuances ; la
loi sur les OGM, NON). (J'entends déjà les cris d'orfraie de certains sur la
pensée unique : avant qu'ils ne s'enflamment j'aimerais connaître leur opinion
sur le relativisme culturel.)
Il faut un minimum de cohérence, au moins sur nos grands principes, sinon c'est n'importe quoi ! N'importe qui pourrait se réclamer du MoDem à ce compte-là !
Je pense malgré tout que la liberté de vote doit être préservée, mais qu'elle doit
respecter les principes fondamentaux du MoDem et qu'elle doit être limitée à un
certain seuil de votes contradictoires (à fixer : 25%...??).
Sinon
ne soyons pas hypocrites, c'est la porte ouverte aux taupes et aux courants que
refuse pourtant François Bayrou.
Et
je ne parle même pas des problèmes d'image et de visibilité du MoDem : que va
penser l'opinion ? Quelle ligne présenterons-nous à la population ? Quels
critères pour l'électorat ? (Ceci non dans un souci d'être populaire mais dans
un souci de clarté.)
Alors,
certes, le mandat impératif est interdit par la Constitution elle-même ; cela
vaut à la fois pour les adhérents du parti et pour l'électorat dans sa
globalité (les parlementaires ont beau avoir été élus sur un programme,
constitutionnellement c'est sans valeur !). Mais cela appelle deux remarques.
D'une
part, cela n'empêche pas des processus de débats internes, de communication et
de décisions transparentes et motivées (justifiées clairement).
D'autre
part, arrêtons l'hypocrisie : le mandat représentatif est une fumisterie, la
démocratie représentative un oxymoron. Ayons le courage de nommer les choses :
il s'agit d'une oligarchie élective et rien d'autre !
Pour
autant, je ne suis pas forcément contre. Dans l'état actuel des choses, la
démocratie réelle, participative et directe est impossible. C'est un sujet
auquel je réfléchis depuis des années (particulièrement depuis 2005...) et sur
lequel je ferai sans doute un billet un de ces jours.
Vu l'heure, je m'arrête là, car contrairement aux carriéristes qui grenouillent au siège, j'ai un travail dans la vraie vie, moi (et puis c'est bien plus intéressant, c'est de la biogéochimie).