L'Europe est-elle anti-démocratique ?
Si c'est le cas, ce n'est pas par son existence ou son fonctionnement, mais par les pratiques du personnel politique... et de la population elle-même. On peut être contre les institutions supra-nationales, mais pour l'instant elles sont là alors il faut faire avec. Voyons un peu dans le détail, en ce jour de fête de l'Europe.
Faut-il rappeler que les trois institutions majeures de l'Union Européenne que sont le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne sont issues (en principe) de choix démocratiques ?
Le Parlement européen est élu directement, à la proportionnelle (certes obérée par l'inepte découpage en circonscriptions informes, mais tout de même significative) ; ce mode de scrutin étant l'un des plus démocratiques qui soient, on ne peut donc faire de procès en légitimité à ce niveau (même quand l'abstention dépasse les 50%, car ceux qui n'ont pas voté n'ont aucun commentaire à faire, ils n'avaient qu'à s'exprimer quand l'occasion leur en était donnée).
Le Conseil européen est constitué de ministres (ou de chefs d'Etat ou de gouvernement) issus des élections nationales ; là aussi le choix des électeurs est à l'origine de la composition de cet organe (même si les modes de scrutins nationaux laissent souvent à désirer).
La Commission européenne est certes composée de membres nommés, mais les nominations sont proposées par les gouvernements nationaux et approuvées par les europarlementaires (qui peuvent également les censurer ultérieurement) ; s'il y a des réclamations, elles doivent donc être adressées aux politiques nationaux, qui doivent être mis devant leurs responsabilités.
Tout ceci vaut pour la composition des instances, mais des schémas similaires existent pour leur fonctionnement. Notamment, le Parlement européen est désormais plus puissant, il co-décide avec le Conseil européen en matière législative et budgétaire et peut contrôler la Commission européenne. On voit donc bien que tous les acteurs sont responsables et que le plus démocratique d'entre eux a désormais un grand pouvoir.
Les politiques menées sont donc incontestablement démocratiques en théorie (même si les institutions ne sont pas exemptes de critiques), et c'est les pratiques du personnel politique qui peuvent remettre cela en cause.
Ainsi, les Etats s'entendent pour nommer à la Commission des gens qui ne les gêneront pas (à commencer par le premier d'entre eux, l'indigne Président Barroso, "qui vient pour ne rien dire, et en cinq langues") dans leurs petits conciliabules où ils prennent des décisions dans le dos des citoyens (le Conseil ne siège pas publiquement et son ordre du jour n'est pas annoncé à l'avance), pour en rejeter la responsabilité sur l'Europe une fois rentrés dans leurs pays (ça fait un bouc émissaire bien commode pour expliquer des décisions impopulaires qu'ils n'ont pas le courage d'assumer) : il faut absolument démystifier ce processus où la Commission n'impose rien et où les gouvernements nationaux sont partie prenante !
On connaît les mêmes procédures navrantes au Parlement européen, avec les deux groupes principaux (où siègent l'UMP et le PS français, en grand nombre du fait de l'inconscience de l'électorat) qui se partagent aimablement les postes (comme la présidence du Parlement) et approuvent benoîtement les textes qui leurs sont soumis. Certes, ces élus sont souvent membres des partis au pouvoir dans leurs pays d'origine et il n'est pas forcément illogique qu'ils suivent le mouvement, mais ils sont censés prendre un peu de hauteur et faire preuve de conviction ! Censés seulement, car en fait les partis politiques français ont une tradition détestable, qui fait honte à la France auprès des représentants des autres pays : le choix de personnes, non pas qui feraient montre de compétence, de conviction ou d'intérêt pour la fonction, mais de carriéristes à qui l'on offre un joli fromage ou que l'on recase après des défaites électorales ou des remaniements gouvernementaux (certes à quelques exceptions près, mais pour un Alain Lamassoure ou une Pervenche Bérès, combien de Rachida Dati et de Harlem Désir ?). A cet égard, j'ai été très fier en 2009 que les deux partis vraiment europhiles, le Mouvement Démocrate et Europe Ecologie, fassent entrer au Parlement européen des personnes estimables et bosseuses comme Sylvie Goulard, Corinne Lepage, Eva Joly ou Michèle Rivasi (entre autres exemples), pouvant restaurer un peu l'image du pays auprès de leurs collègues...
En bref, malgré ce qu'on voudrait nous faire croire, le personnel politique a bel et bien le pouvoir dans les institutions européennes, donc le fait que ses décisions déplaisent aux populations (parce qu'elles ne répondent pas à leurs attentes, ou sont soumises à des lobbies, etc) est de sa propre responsabilité ! Il serait donc tout aussi absurde de renier les institutions européennes au motif que les textes adoptés seraient insatisfaisants, que de renier l'Assemblée Nationale en France au motif que l'UMP aurait voté une loi contraire aux opinions populaires : c'est le contenu politique et le comportement des élus qui est en question, pas les institutions. Et la démission d'une personnalité aussi remarquable que Jean-Louis Bourlanges doit nous interpeler sérieusement sur le niveau de déchéance où nous en sommes.
Il reste encore un acteur qui a une part de responsabilité aussi dans les dysfonctionnements actuels : le peuple lui-même. En ne votant pas, en ne s'informant pas, en ne réfléchissant pas... car bien que des obstacles existent effectivement (délibérations non publiques, communication inexistante ou mensongère, instruction déficiente ou inexistante, etc), il reste toujours possible de s'impliquer pour qui en fait l'effort. Internet facilite d'ailleurs beaucoup les choses désormais...