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ataraxosphere
9 juillet 2010

Manger bio (3/3) Est-ce plus cher ?

J’écris rapidement cette première série à l'emporte pièce qui me trottait dans la tête depuis un moment, de mémoire sans consulter de sources particulières, réglementaires ou scientifiques. Si les débats nécessitent de creuser le sujet, on avisera ^^ (et il sera intéressant de constater que l’information passe… ou pas)

La réponse est : ça dépend. Je vais tenter d’expliquer pourquoi, même si je vais certainement oublier des éléments que, je l’espère, vous voudrez bien apporter au dossier dans vos commentaires avisés.

Tout d’abord, il faut tordre le cou à une idée reçue : les produits bio ne sont pas tous hors de prix ! D’une part, on peut facilement composer son panier de courses avec des produits à moins de 5€/kg voire moins de 3€/kg (notamment pour les fruits et légumes) ce qui est parfaitement raisonnable. D’autre part, il faut mettre les prix en relation avec ce qu’on trouve dans les paniers « classiques » et notamment les produits transformés (plats préparés, gâteaux, confiseries et autres horreurs bien plus onéreuses quand on regarde le prix au kg).

Alors certes, on trouve souvent des produits bio plus chers que les autres, même en comparant les prix au kg. Mais ce n’est pas forcément injustifié. Penchons-nous sur les diverses causes de cet apparent surcoût.

Evacuons tout de suite les pigeonnades : c’est vrai que certaines marques ou enseignes profitent allègrement de ce label pour se sucrer sur le dos des clients en gonflant excessivement les prix de ces produits (parce que les clients s’attendent à payer plus cher, parce que la clientèle est souvent plus aisée et peut se le permettre, etc) ; mais on ne saurait tout expliquer par ce seul aspect.

D’ailleurs les grandes surfaces ont une autre responsabilité : elles ont voulu foncer bille en tête dans ce marché et offrir une gamme complète de produits en substitution du panier classique, et cela s’en ressent sur les coûts…

N’oublions pas non plus que le marché n’est pas encore très développé et que sans effet de masse, en-deçà d’un certain seuil, les prix ne pourront pas baisser. Si déjà chaque personne pensait à mettre au moins un produit bio dans son charriot et si les pouvoirs publics instauraient des achats pour la restauration collective, la donne changerait…

Mais au-delà de ces épiphénomènes, venons-en aux causes structurelles.

N’étant pas traitées, les denrées (notamment les fruits et légumes frais) sont plus vulnérables aux moisissures et autres écornifleurs importuns : des pertes plus importantes que dans le circuit conventionnel pourraient expliquer une partie du surcoût (j’ignore dans quelles proportions).

Il faut aussi considérer qu’à la production, les rendements sont souvent moindres qu’en agriculture intensive (différences de génotypes et de fertilisants, vulnérabilité aux maladies et aux prédateurs, etc) et le travail humain plus important (comme le désherbage) ; il faut pourtant bien que le producteur gagne sa vie et établisse ses prix en conséquence…

En fait, un autre facteur majeur mais méconnu du surcoût des produits bio, c’est la labellisation elle-même. Pour produire en agriculture biologique et obtenir le logo officiel, le producteur doit respecter un cahier des charges et être contrôlé en ce sens (certification). Ces visites et ces analyses, ainsi que les procédures administratives associées, ont un coût, qu’il faut finalement répercuter sur le prix des produits…

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En effet, le prix de l’alimentation est bien loin de figurer seulement sur le ticket de caisse et il va falloir ouvrir les yeux une bonne fois pour toutes.

D’une part, l’agriculture conventionnelle est massivement subventionnée et ces fonds publics constituent une partie de la facture même si elle n’est pas visible à l’achat.

D’autre part, l’agriculture intensive génère des pollutions diverses qui ont des conséquences sanitaires et environnementales dont les coûts sont supportés par la collectivité (par exemple les traitements de l’eau pour la rendre potable, l’élimination des algues vertes en Bretagne, etc).

On pourrait lister les exemples, mais ce qui précède devrait suffire à illustrer le propos et montrer combien ce pays a fait fausse route et qu’il est temps de changer de voie. Tout ceci est une simple question de CHOIX, de décisions collectives et individuelles.

La collectivité doit édicter des réglementations et réorienter ses subventions pour une agriculture respectueuse de la santé humaine et de l’environnement, sans céder aux lobbies qui ont gangréné le secteur depuis des décennies (mais bien entendu cette mutation doit se faire avec et pour la profession agricole).

Au-delà, si le coût de l’alimentation s’en trouve tout de même renchéri (ne serait-ce que pour des raisons d’inertie…), les citoyens doivent effectuer des choix dans l’utilisation de leur budget : quand on voit les sommes colossales gaspillées dépensées pour des produits réellement chers (plats préparés, confiseries, etc) ou facultatifs (alcool, tabac, jeux d’argent, etc – sans parler des fringues et des gadgets de toutes sortes sans cesse renouvelés), il y a de la marge et il faut prendre ses responsabilités… (et si malgré tout le pouvoir d’achat reste insuffisant à assurer les besoins vitaux alors il faut chercher des solutions à un autre niveau, comme les revenus, mais c’est un autre dossier…)

Alors, qu’est-ce qui est cher ? Qu’est-ce qui compte vraiment ? Quelle nourriture voulons-nous, quel rapport à l’alimentation conservons-nous dans ce pays où manger est une activité qui ne se résume pas à « remettre du carburant dans la machine » comme le font les anglo-saxons, mais constitue un moment privilégié, d’expériences multiples de plaisirs des sens et de convivialité, un pilier de la culture et du mode de vie… et que transmet-on aux générations futures (en termes de culture, de santé, d’environnement) ? Voilà les questions que soulève l’agriculture biologique – elle y répond maladroitement, mais on peut toujours l’améliorer…

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