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ataraxosphere
9 juillet 2010

Manger bio (2/3) Est-ce meilleur ?

J’écris rapidement cette première série à l'emporte pièce qui me trottait dans la tête depuis un moment, de mémoire sans consulter de sources particulières, réglementaires ou scientifiques. Si les débats nécessitent de creuser le sujet, on avisera ^^ (et il sera intéressant de constater que l’information passe… ou pas)

Selon ses zélateurs, l’agriculture biologique serait meilleure : pour la santé, pour l’environnement, mais aussi pour la gastronomie voire pour le producteur. Discutons un peu de tout cela… en gardant à l’esprit que le label AB donne des garanties sur le mode de production des aliments, pas sur leur transformation ni sur la qualité des produits finaux…

Evacuons rapidement la question du goût : c’est une notion trop subjective, et même si l’on pouvait doser des teneurs en arômes (autogènes!) plus élevées dans les aliments issus de l’agriculture biologique que dans les autres, il est plus probable que cela soit dû à des questions de génotype (variétés/races utilisées) ou d’organisation commerciale (circuits courts, cueillette à maturité, etc) que de pratiques culturales…

La même remarque vaut d’ailleurs pour la santé en cas d’éventuelles (des études ont montré que c’est loin d’être systématique) teneurs plus élevées en vitamines ou autres « micronutriments »…

Pendant qu’on est sur le dossier nutritionnel, rappelons (même si cela devrait être évident) qu’il est parfaitement possible de se nourrir n’importe comment tout en consommant exclusivement bio : le bio n’échappe pas à la malbouffe ! Rien n’empêche de s’empiffrer de gâteaux et de chips bio, d’ailleurs on voit fleurir sur les rayons des magasins les mêmes aberrations (trucs gras et/ou sucrés, suremballés, etc) simplement substitutives du marché classique…

Un avantage sanitaire des aliments bio mis en avant est l’absence de « produits chimiques » et notamment de pesticides. Cela mérite discussion.

On ne peut pas mettre tous les pesticides dans le même sac. Tous ne sont pas aussi dangereux qu’on le croit, surtout aux doses d’exposition rencontrées dans la nourriture : une interdiction en bloc n’est donc pas forcément justifiée (je traiterai ce sujet une autre fois). Mais admettons. Qui peut croire que, comme le nuage de Tchernobyl, la pollution s’arrêterait à la lisière d’une exploitation en agriculture biologique ?! (sans parler de la rémanence de ces produits et de leurs dérivés dans les sols et les nappes phréatiques…) Les aliments bio sont donc loin d’en être exempts, même si les teneurs sont généralement plus faibles que dans les produits conventionnels.

De plus, le mode de production en agriculture biologique peut paradoxalement apporter quelquefois plus de contaminants dans les aliments ! D’une part, l’absence de traitements rend les denrées plus sensibles aux moisissures, or certaines de ces dernières produisent lors de leur développement des composés relativement dangereux (mycotoxines) – ce problème semble limité mais ne doit pas être négligé. D’autre part, des poules et des vaches élevées en plein air sont exposées aux pollutions des usines et incinérateurs du voisinage et produisent des œufs et du lait pouvant contenir des dioxines…

Par ailleurs, certains produits autorisés en agriculture biologique et qui se répandent dans l’environnement sont loin d’être anodins pour la santé (surtout s’ils ne sont pas utilisés avec discernement). On pourrait par exemple évoquer la « bouillie bordelaise » qui contient du cuivre, ou encore les nitrates issus des fertilisants d’origine animale…

Ces deux derniers exemples nous amènent aux impacts environnementaux de l’agriculture biologique. On vient de voir que la pollution aux métaux lourds et aux nitrates reste possible (faut-il d’ailleurs rappeler que la célèbre pollution bretonne est au moins autant due aux engrais synthétiques qu’aux lisiers de porcs, des nitrates d’origine… biologique!). Celle aux pesticides aussi : ce n’est pas parce que les insecticides utilisés (comme les toxines Bt ou la roténone) sont naturels qu’ils n’ont aucun impact sur la biodiversité environnante !

En parlant de biodiversité : comme toute exploitation agricole, celles en agriculture biologique peuvent empiéter sur des milieux naturels et causer la disparition de sites remarquables et de leurs peuplements (dans les zones tropicales mais également en Europe…).

Enfin, pour ne pas trop charger la barque (le rôle de cette série n’est pas de démolir le bio mais de le démystifier, de montrer ses limites et ses insuffisances, pour définir un cahier des charges plus pertinent et répondre efficacement aux enjeux), je terminerai par un dernier point : celui de la consommation des ressources énergétiques, en particulier fossiles, et de la pollution associée (avec ses impacts en termes de perturbation du climat, d’acidification des océans, etc). L’insuffisance actuelle de la production française par rapport à la demande nationale conduit à importer de grandes quantités de produits d’Europe et de plus loin encore. On peut s’interroger sur la cohérence de la démarche et si les avantages gagnés sur certains plans ne sont pas « annulés » par l’impact supplémentaire de ces transports sur d’autres plans…

En résumé, le bio, c’est peut-être meilleur, mais surtout pour l’environnement (et sans garantie systématique). Inutile de songer égoïstement à un avantage sanitaire pour son nombril : s’il y en a en ce domaine, c’est d’abord pour celui des générations futures…

J’avais évoqué au début de ce volet un éventuel avantage de l’agriculture biologique pour le producteur. C’est probablement le cas du point de vue sanitaire puisque les premières victimes des pesticides en production conventionnelle sont les agriculteurs ; mais là encore, gare à la « bouillie bordelaise » et autres mixtures… Pour le reste, il ne faut pas confondre agriculture biologique et commerce équitable (lui-même non exempt de critiques, mais c’est un autre dossier…). Si l’agriculture biologique permet parfois à un producteur de mieux vivre de son travail, d’une part cela n’a rien d’automatique, d’autre part ce serait plutôt dû à des facteurs socio-économiques (circuits courts, prix plus élevés, etc) qu’au mode de production lui-même et à son cahier des charges (les dépenses en intrants « chimiques » sont peut-être moindres mais les rendements aussi…). Mais penchons-nous donc sur les questions financières dans le billet suivant…

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