Européennes : qui a gagné, qui a perdu ?

     Je ne vais pas écrire une tartine sur les résultats de ces élections européennes, j'avais déjà expliqué que quoi qu'il arrive elles seraient ratées.

   Et en effet, les grandes perdantes, ce sont l'Europe et la démocratie. En raison notamment de l'abstention - énorme, à 60 % - et des conditions de la "campagne" - effroyables et indignes d'un pays moderne (ceci concerne autant les médias, que les institutions et le personnel politique). De la politique qui s'annonce, aussi - vu que Barroso a toutes ses chances à présent et que tous les groupes du PE diminuent au profit des nationalistes (et dans une moindre mesure des Verts). D'ailleurs en France les deux seules listes vraiment europhiles ne réunissent qu'un quart des votants. J'espère que leurs élus conjugueront leur action, tant au niveau des sujets européens que des sujets environnementaux.

   Evidemment, le PS et le MoDem ont obtenu des résultats décevants, mais c'était attendu (même pour les prévisions initiales des sondages : 20 % et 13 %, c'était déjà un échec).

   On pourrait aussi citer la majorité présidentielle (UMP, NC, GM, etc), qui n'atteint même pas 28 % (à comparer aux scores de ses équivalents ailleurs en Europe) en cumulant toutes ses forces et sans réserve supplémentaire (et même favorisée par la structure de l'électorat qui s'est déplacé pour voter). Un électeur sur neuf, c'est important mais il n'y a pas non plus de quoi pavoiser (d'ailleurs l'affirmation selon laquelle c'est la première fois qu'un parti au pouvoir arrive en tête est fausse, cela témoigne de la complaisance et/ou de l'incompétence des journalistes).

   Je serai très mesuré sur la bonne surprise d'Europe Ecologie. Je ne vais pas entrer dans ce jeu exaspérant des commentateurs médiatiques qui parlent au nom des électeurs en discutant des motifs de vote dont ils n'ont strictement aucune preuve. Mais on peut tout de même s'interroger sur les causes de ce relatif succès (les enjeux et la qualité du programme auraient mérité encore plus, même si je ne vais pas bouder mon plaisir de les voir soutenus par autant d'électeurs) et son inscription dans la durée. Au-delà de l'adhésion au projet et du rejet du PS, il y a certainement eu un effet des conneries de François Bayrou face à l'agitateur Cohn-Bendit jeudi soir et du film Home de Yann Arthus-Bertrand vendredi soir.

   Eh oui en fait la principale gagnante de ces élections, c'est - malheureusement - la communication (hélas logique en l'absence de réelle campagne).

   Passons vite sur celle de la majorité présidentielle, qui outre l'avantage d'un clip officiel tout sauf neutre et des cérémonies de commémoration du débarquement, sans parler de ses habituels thèmes sécuritaires, a distillé son petit refrain sur la présidence du Conseil de 2008 et contre ses adversaires (sauf certains...) et formulé sur le papier un programme parfois très intéressant, n'était son décalage total avec les actes de ses eurodéputés et du gouvernement. On verra bien si cette fois les engagements seront tenus, à la différence des suites du Grenelle de l'Environnement...

 Je retiendrai surtout le matraquage médiatique insupportable contre le MoDem et François Bayrou, en provenance de tout l'échiquier politique et relayé abondamment par tous les médias bien que souvent mensonger. Qu'il s'agisse par exemple des polémiques sur l'ALDE, la soi-disant absence de programme, l'obsession présidentielle de Bayrou (tout sauf un scoop, au passage...), la personnalisation (due à qui??), ou encore l'incident de jeudi soir. En tant que militant, j'ai vu la réalité dans les coulisses, et j'ai constaté que le rendu médiatique ne lui correspondait pas du tout. En particulier j'ai entendu les nombreux discours qui parlaient clairement d'Europe et de propositions concrètes et fondées. Les affirmations contraires qui tournaient en boucle partout étaient donc fausses. Ceci n'exclut pas certaines erreurs par ailleurs, de la part de François Bayrou et des équipes locales (les actions de terrain et les réunions publiques auxquelles j'ai assisté étaient assez minables), mais pas du tout dans les proportions qui ont été martelées sans cesse. Je ne suis pas un partisan décérébré et j'ai toujours fait preuve de critique envers cette formation lorsqu'il le fallait (et il y a parfois de bonnes raisons), mais quand les attaques sont injustifiées, je dois rectifier.

   Il faut citer aussi l'usage malsain des sondages, lesquels se sont d'ailleurs complètement trompés (sauf pour l'UMP). J'ai déjà mentionné des articles expliquant leurs nombreux biais (chiffres nationaux, etc) et la partialité de leur utilisation (par exemple jeudi soir il y en avait plusieurs et pourtant seul celui donnant le MoDem derrière Europe Ecologie a été mis en avant). Je n'en dirai pas plus mais il y a vraiment des choses pas nettes dans ces histoires.

   Les problèmes de traitement médiatique et sondagier concernent d'ailleurs d'autres formations politiques, comme Debout La République ou même le Front de Gauche.

   Je voulais m'exprimer aussi sur le casting (assez mauvais, même si le MoDem a fait mieux que le PS et l'UMP) et l'opportunité de la publication du livre de François Bayrou (qui n'était pas une erreur à mon sens) mais ce billet est déjà bien assez long.

   J'attends à présent qu'un certain nombre de choses changent dans le fonctionnement du Mouvement Démocrate, mais je n'ai pas l'intention de quitter le navire pour l'instant. Je détaillerai peut-être ma pensée dans les commentaires ou dans un autre billet.

Comments

[florent]

Si, c'était prévisible et c'est en partie pour cela que j'ai modéré mon investissement. Mais je le répète, même à 12% c'était un échec.

Le programme était faible, certes ; mais pas moins que les autres. Il a surtout mal été mis en avant, et sorti bien trop tard.

[Philippe]

J'adore tous ces commentaires qui disent qu'ils ont bien vu arriver la défaite après coup...

"la soi-disant absence de programme"

De programme ambitieux, frais, rénovateur, innovant...OUI!! ET c'est pour moi la raison essentielle de l'échec. On a oublié que le 1/3 des électeurs qui se déplacent le font POUR l'Europe...

[florent]

Merci pour vos commentaires.
Nous sommes tous un peu dans l'attente...

[benoitb]

Bonne analyse. :-)

Je ne compte pas non plus "quitter le navire" pour le moment, car je suis avant tout viscéralement démocrate, au sens originel du terme (et ce serait pour aller où ?...). Mais je vais je pense prendre du recul et observer un moment ce qui se passera.

Le principal enseignement du scrutin d'hier soir, est effectivement que la démocratie est très malade, pas seulement en France, mais dans toute l'Europe.

Le second enseignement, national, c'est que Sarkozy vient de faire un très grand pas dans l'optique d'une réélection en 2012.

Je voudrais continuer à faire quelque chose pour tenter d'aider, même si le combat est très difficile pour le premier et probablement déjà perdu pour le second, mais pour le moment je ne vois pas quoi...

[Mirabelle]

Bon billet, l'ami ...