Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ataraxosphere
3 juin 2009

Protectionnisme européen et relocalisations : l’évidence (Divagations économiques 4/7)

Bon d'habitude je n'aime pas écrire des trucs en l'air mais quand je vois le niveau de ce que les autres publient je ne vais pas me gêner, alors c'est parti mon kiki, en avant pour une série décapante...
Inutile de hurler à la lecture du titre de ce billet, compte tenu de ce que j’ai dit dans les précédents de la série, il s’agit de la SEULE solution sensée et efficace. Mais il faut bien comprendre une chose : il n’est pas question de repli sur soi, de fermeture, d’instauration de barrières douanières a priori, aveugles, fixes et uniformes (fût-ce à l’échelle de l’UE). Bien au contraire ! Il s’agit d’une fiscalité INTELLIGENTE, au cas par cas, selon des critères sociaux et environnementaux remplis ou non par chaque produit en circulation.
Ainsi, par des sortes d’écluses fiscales, avec un mécanisme “compensatoire”, la compétitivité retrouve son caractère objectif, la concurrence (que je traiterai dans un prochain billet) son caractère loyal. Deux types d’outils, déclinés sur deux volets, sont à disposition. L’objectif de ce billet n’est pas de déterminer leur contenu détaillé ni leurs importances respectives (ni leur étendue : UE et/ou zone euro), mais de présenter ces mesures de bon sens. Il s’agit d’une part, des taxes et des quotas à l’importation ; d’autre part, des émissions de gaz à effet de serre (aspect “carbone”, incluant la production mais aussi le transport) et des réglementations sociales et environnementales (aspect “normes”, axé surtout sur la production).
Ainsi, un produit dont la fabrication nuit à l’environnement (pollution, déforestation, etc) et ne respecte pas les travailleurs (conditions de travail, protection sociale, etc) voit son prix augmenter par des taxes le ramenant à son coût s’il avait été produit dans de bonnes conditions (au moins, respect des normes maximales en vigueur). Dans tous les cas, la taxe carbone s’applique également, au moins pour le transport - simple rationalisation de l’économie, que le libre-échange avait stupidement négligée, ignorant la physique la plus élémentaire. Il ne s’agit après tout que de rétablir le véritable coût du commerce.
Ces mesures de bon sens redonnent plus de justice au marché. Il n’est d’ailleurs pas question d’interdire l’entrée de produits ou de les taxer aveuglément et à outrance, mais simplement de leur redonner leur vrai prix. Des fraises chiliennes et des agneaux néo-zélandais n’ont rien à faire sur les étals européens ! Mais plutôt que de les interdire, on leur donne leur vrai prix (notamment en intégrant la pollution qu’ils génèrent), et c’est à l’acheteur d’assumer son choix en réglant la note. Des produits fabriqués dans de bonnes conditions et transportés avec peu de pollution pourraient parfaitement s’insérer dans le marché européen sans surtaxe injuste. Certains préconisent également un contingentement de l'import, j'avoue que je n'ai pas assez réfléchi sur sa pertinence ou non.
La taxe carbone, sur laquelle je reviendrai plus tard, doit aussi s’appliquer à l’intérieur même de l’Europe et des Etats. Par exemple, près d’une tomate française sur dix est vendue en Belgique, et réciproquement : c’est totalement absurde ! Les transports sont bien excessifs. C’est aussi pour cela que la spécialisation économique est une ânerie (en plus des raisons que j’évoquais dans le billet précédent) : il faut impérativement RELOCALISER les activités à l’échelle de grands bassins de population (donc production et consommation). Non seulement cela évite des consommations énergétiques inutiles (on appelle cela du gaspillage, même s’il s’agit de renouvelables) et les pollutions associées (avec toutes leurs conséquences), mais en plus on voit que cela évite des déséquilibres entre systèmes sociaux qui ne sont pas encore au même niveau (donc pas à même de mener une compétition saine).
Soyons clairs : il ne s’agit pas de produire “français” ou “lorrain” mais de produire EN France ou EN Lorraine - et évidemment aux conditions françaises... Rien n’empêche aux entreprises étrangères qui se sentiraient désavantagées par les taxes sur leurs produits, de venir les fabriquer sur place à proximité des consommateurs. Et ce n’est pas un crime contre les pays d’où elles étaient parties, puisqu’elles devront rester sur place aussi pour satisfaire les besoins des populations locales.
Notons toutefois que la relocalisation ne vise pas l'autarcie car elle est notamment conditionnée par les aspects environnemetaux et énergétiques : il faut que ce soit raisonnable de ce point de vue, or parfois le transport consomme et pollue moins que la production - donc par exemple les km2 de serres hollandaises ont du souci à se faire...
Au fait, qu’on ne vienne pas pleurnicher sur une prétendue catastrophe pour les entreprises européennes avec la pénalisation de leurs exportations et les difficultés sur le marché mondial qui en découleraient : plus des trois quarts du commerce ont lieu au sein même de l’UE, alors qu’on arrête de se moquer du monde. Et pour le reste, eh bien qu’elles produisent sur place près des consommateurs visés. Les pays concernés pourront bien tempêter, à très court terme ils ne peuvent pas se passer de tout. D’ailleurs si l’Europe montre l’exemple, les autres pays n’auront plus de réticences à faire de même et ces pratiques évidentes deviendront rapidement la norme internationale - bien plus saine que les pratiques quasi-esclavagistes et destructrices de la planète qui ont cours actuellement.
Enfin, les recettes générées par les taxes évoquées pourraient parfaitement servir à aider ces autres pays (Est de l’UE, Chine, Inde, etc - pour l’Afrique, c’est à part, il y a d’abord la taxe Tobin) à élever leur niveau de vie, développer leur système de protection sociale et mettre en place des infrastructures et des fonctionnements durables, compatibles avec l’environnement.
On voit bien que ce protectionnisme n’en est pas vraiment un : les frontières ont une perméabilité sélective, progressive et intelligente - rien à voir avec l’autarcie et le refus de l'Autre. Avant de crier il faudrait peut-être se soucier des mesures qui sont réellement du protectionnisme bête et méchant même s’il ne dit pas toujours son nom (n’est-ce pas messieurs les américains et les chinois?).
De toute façon, comme je l’ai expliqué, ce “protectionnisme européen” (et la fiscalité associée) est une question de bon sens et une issue inéluctable face aux problèmes énergétiques et climatiques qui s’annoncent (du moins si on veut sortir par le haut). L’économie doit revenir à la réalité, il faut fonctionner autrement. Les prochains billets aborderont quelques pistes (pas avant plusieurs jours, j’ai d’autres dossiers sur le feu à cause de la barbie versaillaise).

Publicité
Commentaires
F
http://www.liberation.fr/economie/01012330294-il-faut-un-protectionnisme-cible-sur-les-produits-de-certains-etats
F
http://www.marianne2.fr/On-aura-tout-vu-meme-Rocard-protectionniste_a204745.html
F
quelques réflexions plus ou moins intéressantes : <br /> <br /> http://www.marianne2.fr/Relocalisation,-mode-d-emploi_a181604.html<br /> <br /> http://jeanzin.fr/index.php?post/2009/07/14/Relocalisation-mode-d-emploi<br /> (même article avec les liens)
F
Merci beaucoup d'avoir tout lu (pour que cela fasse sens, il faut veiller à prendre les 4 articles dans l'ordre). Nous discuterons donc lors de votre commentaire :)
J
Sinon, promis, juré, je donnerai mon opinion sur chacun de ces billets qui présentent des idées intéressantes. Mais à cette heure tardive, c'est difficile, car le sujet abordé est vraiment dense.
Publicité
Derniers commentaires
Publicité