Une société moderne, lucide et juste peut et doit tolérer certaines formes d'homicide (II) Euthanasie et suicide assisté
Un diptyque chaussé de gros sabots sur des sujets sensibles qu'il faut pourtant aborder sans tabou (et indépendamment de toute considération religieuse en ce qui me concerne, ce sera l'objet d'un autre billet pour lequel je vous solliciterai).
L'euthanasie, en tant que solution de dernier recours pour mettre fin à des souffrances insupportables et/ou incurables, répond à une problématique similaire pour la société : elle peut parfaitement, sans remettre en cause son principe fondamental de respect de la vie humaine, accepter de donner la mort à une personne en ayant fait la requête motivée, sans pour autant faire preuve d'incohérence.
En tout état de cause, ce n'est pas moins acceptable que l'acharnement thérapeutique.
Il faut également mettre cela en relation avec des questions de liberté individuelle, de droit à la dignité, d'économies financières pour le système de santé et les familles (sommes non négligeables même si ce paramètre ne saurait en aucun cas justifier lui seul le choix de cette pratique, ce n'est qu'un "à côté" qu'il faut simplement prendre en compte).
Il convient de faire la distinction entre trois modalités : l'euthanasie passive (on laisse mourir la personne, par exemple en cessant les soins et l'alimentation), l'euthanasie active (on provoque la mort de la personne, par exemple en lui injectant une solution saline ou un poison dans le sang) et le suicide assisté (on offre la possibilité à la personne de se donner elle-même la mort, par exemple en
lui fournissant des comprimés contenant des substances mortelles) ; mais les trois doivent être dépénalisés et autorisés.
Si la possibilité de recourir à l'euthanasie doit être garantie, elle doit toutefois être encadrée strictement, en particulier il faut :
- la demande ferme de la personne concernée, recueillie à au moins deux reprises, espacées d'un délai suffisamment long (pour permettre la réflexion), éventuellement manifestée aussi avant l'état sanitaire justifiant la demande pour ne pas que le choix soit biaisé par une douleur intense (on pourrait imaginer à ce titre des cartes personnelles où, en plus de leur position sur le don d'organes pour les greffes, les citoyens exprimeraient leur position sur l'euthanasie ainsi que sur le devenir de leur corps : inhumation, crémation, don à la science, etc),
- le diagnostic et l'accord de deux médecins qualifiés, indépendants entre eux, de la personne concernée et de ses proches (pour éviter les abus), éventuellement avec une définition des critères recevables,
- garantir le respect de la dignité humaine (éviter les souffrances, etc),
- éventuellement, l'accord de la famille et des proches de la personne concernée.
Il faut savoir que bien souvent cette possibilité de recourir à l'euthanasie n'est pas utilisée, que sa simple existence rassure les patients et qu'ils n'y font finalement pas appel. Les pays européens où l'euthanasie a été autorisée n'ont pas vu se développer des vagues d'élimination de "vieux", infirmant la caricature brandie par ses détracteurs.
La question du suicide assisté est incluse dans ce qui précède, en ce qu'il s'agit d'une des modalités de l'euthanasie pour des raisons médicales. On pourrait envisager de l'étendre à des motifs autres, dans la mesure où cela relèverait de liberté individuelle à disposer de son avenir (une telle décision étant strictement personnelle). Cela éviterait certains événements tragiques et des impacts (parfois très néfastes) sur la vie d'autres personnes, en permettant que les choses se passent "proprement" et sous contrôle médical. Il conviendrait néanmoins de conserver certaines conditions évoquées ci-dessus, notamment le recueil de la demande à plusieurs reprises suffisamment espacées et l'accord de deux praticiens qualifiés et indépendants.
PS/ Pour une approche plus sophistiquée de l'euthanasie, je vous recommande ces billets de L'Hérétique, ici et là.