C'est en quelque sorte le
message à retenir de la soirée "Développement durable ne connaît pas la
crise" à laquelle nous avait conviés Corinne Lepage pour ce samedi 14 juin
en marge du congrès de CAP21, avec l'accord de la mairie de Nanterre qu'il faut
ici saluer pour ce geste démocrate. J'ai assisté à ces échanges passionnants
entre Corinne Lepage (MoDem et CAP21), François Grosdidier (UMP), Bruno Rebelle
(PS) et Yann Wehrling (ex-Verts).
Corinne Lepage a introduit
le tour de table en soulignant combien une telle initiative était rare et
pourtant si importante au regard des enjeux : car s'il y a un sujet qui doit
transcender les clivages politiques, c'est bien le développement durable (en
particulier sa composante environnementale, mais pas seulement, car les trois
sont indissociables).
Sans détailler le contenu
des interventions, je vais commenter ici quelques points que j'ai encore en
mémoire ce soir. Vous pourrez bien entendu compléter voire rectifier mon
propos. Merci de me signaler d'autres compte-rendus, même brefs.
François Grosdidier a longuement
expliqué son approche de l'écologie politique et a bien montré comment on
pouvait être à la fois "de droite" et s'occuper sincèrement et
efficacement des questions environnementales (n'en déplaise aux gauchistes qui
s'approprient ces thèmes et s'arrogent l'exclusivité de la bonne pensée). On
l'a découvert ici sous un autre jour que celui habituellement véhiculé par les
médias (par exemple le conservateur aux tumultueux démêlés judiciaires avec des
groupes de rap), bien qu'il se soit récemment illustré par son courageux combat
contre la loi sur les OGM défendue par son propre parti. On a pu écouter un
humaniste, soucieux de concilier liberté et responsabilité, démontrant qu'il
est parfaitement cohérent d'être écologiste et libéral (au sens vrai du terme et
pas les dévoiements actuels - mais c'est un autre sujet que j'aborderai un de
ces jours). Je me suis peut-être un peu trop laissé embobiner par son propos,
toujours est-il que son discours de ce soir-là correspondait à ce que j'attends
d'un responsable politique.
Bruno Rebelle a effectué un
rappel historique sur l'émergence, au cours de l'histoire de l'humanité, des
prises en compte successives des trois piliers du développement durable
(économique, social, puis environnemental). Il a ensuite souligné - avec raison
- que la récente alliance entre l'économique et l'environnemental (cf. le "business vert") ne
devait pas faire oublier la justice sociale, l'accès populaire aux NTE, la
redistribution des richesses, gna gna gna. C'est toujours pareil avec les gens
de gauche, ils commencent bien et puis ça dérape et ils ressortent leurs
rengaines éculées, comme s'ils étaient soudain pris de frayeur devant leur
audace d'avoir commencé à réfléchir et étaient incapables d'envisager une autre
(nouvelle) façon de penser. Bref, son propos était intéressant aussi, mais
parasité par les considérations habituelles que la gauche ne parvient pas à
dépasser et qui fait qu'elle ne peut apporter de réponse à la situation
actuelle (pour ceux qui me connaissent et se posent des questions, je ne suis
pas dans un virage droitier, mais j'approfondis de plus en plus ma réflexion et
je réalise chaque jour davantage à quel point ce "camp" est une
impasse - ce qui ne m'empêche pas de combattre aussi l'approche de l'UMP : décidément
je ne vois vraiment que le MoDem qui puisse nous faire sortir de ce pétrin... à
condition qu'il réalise encore quelques mues ; mais ce n'est pas le sujet).
Yann Wehrling vient de la
gauche lui aussi, mais il nous a raconté à travers son parcours personnel comment
il avait, par une approche pragmatique et objective (s'en tenir aux faits et à
la logique), découvert ce que l'on peut appeler la démarche MoDem, à savoir
raisonner et travailler sur des convictions, des idées et des projets, au lieu
des étiquettes et des camps - bref, une façon adulte de faire de la politique.
C'est toujours émouvant la naissance d'un démocrate :) même si pour lui la
réflexion ne semble pas encore terminée dans la mesure où il se présente comme
encore ancré "à gauche"... Il a d'ailleurs payé cher cette évolution
et nous a rappelé avec amertume le sectarisme et la violence des Verts qu'il a
récemment quittés. Il a illustré les raisons de son ouverture d'esprit par une
longue et édifiante liste d'exemples démontrant que les questions environnementales
pouvaient avancer aussi lorsque la droite est au pouvoir et être bafouées aussi
lorsque la gauche est au pouvoir, contrairement à ce qui était classiquement
admis.
Les participants se sont
tous rejoints sur l'absence de culture environnementale de la plupart des élus
actuels, de tous bords et à tous les échelons. Pire, ils ont rappelé combien
les lobbies défendant des intérêts particuliers souvent contraires à l'intérêt
général sont actifs auprès des élus et notamment au sein même de l'Assemblée
Nationale. Ce constat terrible, d'autant plus dramatique étant donné la gravité
et l'urgence des enjeux, les a amenés à proposer la constitution d'un arc, non
seulement défensif, mais également offensif, réunissant tous ceux qui, d'où
qu'ils viennent, sont soucieux des questions environnementales, et souhaitent
qu'elles occupent enfin la place qui leur est due dans les débats et les
projets politiques, et que cela se traduise par des actions à la hauteur des
enjeux. Ce rassemblement aura pour objet de peser, à la manière d'un lobby, sur
les décisions politiques : en réunissant sur des objectifs communs des
personnes qui ne sont pas forcément d'accord par ailleurs (dans les autres
domaines politiques, mais aussi sur certaines des questions environnementales),
il leur donne du poids, peut encourager certains élus à soutenir leur action,
et démontrer leur gravité et leur urgence (vertu pédagogique du dépassement des
clivages). L'axe le plus fédérateur et transversal semble être la santé
publique (souvent impliquée et mise à mal dans les problèmes environnementaux).
Le récent exemple de la loi sur les OGM a laissé présager de cette démarche,
bien qu'à l'état encore embryonnaire et trop faible pour influer sur le cours
des choses. L'enjeu est à présent de l'appliquer pour les lois à venir sur les
mesures issues du Grenelle de l'Environnement.
Je rappelle encore que cette
approche transpartisane est le coeur de la démarche du Mouvement Démocrate : on
n'a pas besoin d'être d'accord sur tout pour discuter et travailler (au moins
ponctuellement, sur des sujets précis), on se concentre sur le contenu et non
sur sa provenance, son étiquette, son camp, on se conduit en adulte responsable
et objectif dans le souci de l'intérêt général. Rien que ça !