Un Congrès non démocratique pour la fondation du Mouvement Démocrate... et après ?
Je
ne reviendrai pas sur tous les détails de ces journées, car cet article est
déjà affreusement long (désolé Petit Grognard). Je vous renvoie (entre autres)
aux remarquables productions de notre stakhanoviste orange, la valeureuse
Marie-Laure (ici, là, et puis là, et encore là... et les plus récents aussi),
ainsi qu'aux CR de Jean-François, Benjamin et Jérôme, avec lesquels je suis
assez en phase. Farid Taha s'est aussi lâché, avec l'humour qui le caractérise
(ici et là).
J'ai
passé de très bons moments pendant ces 48h intenses consacrées au MoDem (du
vendredi 20h au dimanche 20h, moins huit ou neuf heures de sommeil – eh oui, il
n'y avait pas que Villepinte...), en particulier avec Frédéric, Teddy et
Benjamin. Et rien que pour ça je ne regretterai pas cette aventure. Mais là
n'est pas la question. Nous étions d'abord là pour des choses sérieuses.
Je voudrais d'abord vous demander de lire ces quelques citations.
"Là où la connaissance n’est que chez un homme, la monarchie s’impose. Là où elle est dans un groupe d’hommes, elle doit faire place à l’aristocratie. Et quand tous ont accès aux lumières du savoir, alors le temps est venu de la démocratie." Victor Hugo
"La démocratie est l'organisation sociale qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité civiques de chacun." Marc Sangnier
"Cette
affirmation [de Marc Sangnier] magnifique dépasse, et de loin, la seule
attribution du pouvoir par le vote des citoyens. Elle revendique, non pas une
intervention électorale épisodique, signature de chèque en blanc à des
gouvernants dont le seul engagement est de revenir devant le suffrage universel
à intervalles réguliers, mais une politique de vérité, d'éducation civique
générale, d'information et de formation, destinée à porter le citoyen au niveau
d'un décideur." François Bayrou
"Il
n'y aura pas de modernisation de la société s'il n'y a pas de maturation des
citoyens, débats ouverts, information libre et crédible. Il n'y aura pas de
crédibilité des gouvernants s'ils ne retrouvent pas la confiance des citoyens
en étant obligés de leur dire la vérité." François Bayrou
"La
confiance ne peut s'obtenir durablement si les gouvernants ne font pas partager
de manière transparente leurs raisons, tenants et aboutissants aux citoyens
attentifs. [...] [Les citoyens] refuseront de se fier aveuglément à leurs
dirigeants. Ils ont besoin d'avoir les yeux ouverts. Ils exigent qu'on ne leur
fasse pas prendre des vessies pour des lanternes." François Bayrou
"Il
n'y a de souveraineté du citoyen, en marche vers la conscience et la
responsabilité, que si les institutions qui gouvernent son organisation sociale
et politique sont construites en conséquence." François Bayrou
"Pour
protéger le citoyen de l'arbitraire, pour lui rendre à tout instant sa part de
souveraineté, il faut le garantir contre un pouvoir forteresse, fermé sur
lui-même, ne dépendant de rien d'autre que de la décision d'un seul, ou d'un
seul groupe. Il faut que le pouvoir soit organisé de telle sorte qu'il protège
aussi contre le pouvoir." François Bayrou
Non
démocratique ?
Non
démocratique, la fondation du Mouvement Démocrate, car :
-
il n'y avait que quelques milliers de participants, et malgré les procurations,
les décisions ont appartenu à une partie seulement des 60 000 adhérents ; chacun
d'entre eux aurait dû avoir la possibilité de s'exprimer, qu'il puisse se
déplacer ou pas, qu'il ait accès à internet ou pas, et tant que ce point ne
sera pas respecté je dénierai au MoDem (comme à toute autre organisation) le
qualificatif de démocratique ;
-
les votes avaient lieu à main levée, situation propice aux comportements de
masse et aux intimidations, au lieu d'un vote à bulletin secret garant
de la liberté de choix (autre condition pour mériter le qualificatif de
démocratique) ;
-
des participants ni éclairés, ni responsables (conditio sine qua non
pour parler de démocratie) :
- il y a eu très peu de temps
(moins d'un mois) pour discuter des statuts et proposer des amendements (cette
précipitation, qu'elle relève d'une incompétence ou d'une volonté délibérée ou
des deux, découle d'une longue suite d'événements prenant sa source avant
l'été, je ne détaillerai pas),
- la version finale des statuts (ne parlons
pas de la version initiale, grossier copié-collé de ceux de l'UDF au mépris des
travaux de l'été 2007 et de Seignosse, qui n'a pu bouger un peu que grâce à une
mobilisation énergique des militants) n'était disponible que quelques heures
avant le Congrès et les amendements seulement sur place (on ne sait d'ailleurs
pas comment les 83 ont été sélectionnés sur le millier qui ont été envoyés) et
en faible nombre (ok, cela a au moins permis des économies de papier), interdisant
toute réflexion sérieuse à leur sujet ;
- le panurgisme d'un bon gros
troupeau de moutons qui votaient mécaniquement "pour" quand le maître
était "pour" et "contre" quand le maître était
"contre", que les amendements soient en leur faveur ou non (cela ne
vaut évidemment pas pour l'ensemble des participants, mais on peut considérer
sans se mouiller qu'au moins la moitié en étaient),
- une indiscipline
impressionnante, des gens passant leur temps à se promener et à discuter (à
commencer par les carriéristes entretenant leurs réseaux, ne daignant même pas
prendre leur carton de vote à la main pour feindre de participer ou de se
soucier des opérations), le pompon étant tout de même la ruée sur le buffet au
beau milieu de la séance et la poursuite des votes nonobstant cette débandade,
une vraie mascarade (et, après les votes, l'irrespect pour les débats sur les
banlieues, le pouvoir d'achat, le développement durable et l'indépendance des
médias) ;
-
le comportement autocrate du leader, bien décrit dans les CR que j'ai
cités au début et sur lequel je ne reviendrai donc pas (ça me fait mal de
l'écrire, mais j'ai constaté avec tristesse que malgré ses nombreuses qualités,
François Bayrou pouvait aussi faire preuve de démagogie et de mauvaise foi
quand ça l'arrangeait... même si après tout je ne me faisais guère d'illusions
à ce sujet) ;
-
les statuts eux-mêmes, dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils ne
sont pas franchement en accord avec les citations du début de ce billet.
Passons
sur l'épisode consternant de l'adoption des chartes (éthique de comportement
& valeurs ; au mépris des travaux de l'été 2007 et de Seignosse) et la
composition insultante des instances provisoires (quasi-exclusivement des
membres de l'establishment UDF, désignés d'autorité par Bayrou). Je veux croire
qu'il en sera autrement après cette phase transitoire.
Il
n'y a que des critiques négatives me direz-vous ? Je ne m'appesantis pas sur
les points positifs (qui existent), car pour moi ils vont de soi et il n'y a
pas de quoi s'en réjouir outre mesure, c'est la moindre des choses voilà tout.
Et puis, cet article est déjà bien assez long...
Et
après ? = Et alors ?
Sur
le vote : à quoi bon en apporter la possibilité aux concernés, puisque
manifestement la plupart ne sont pas mûrs pour la démocratie... Ce serait prématuré.
De toute façon, comme l'a bien expliqué KPM, le vote n'est qu'un instrument
de la démocratie, pas son but ni même son expression obligée.
Sur
le fonctionnement relativement autocratique entériné par ces statuts
(les dispositions visant à instaurer des contre-pouvoirs ont été rejetées) :
bien que cela ne corresponde pas aux citations du début de ce billet, peut-être
est-ce mieux ainsi. Peut-être un parti n'a-t-il pas vocation à fonctionner
comme une société en miniature. Peut-être est-ce le prix de l'unité, de
la cohérence et de l'efficacité. Après tout, l'exemple des Verts
et de leurs luttes internes l'illustre clairement. Peut-être aussi est-ce une protection,
par exemple contre les taupes. L'exemple du PS à l'automne 2006 l'illustre lui
aussi clairement. Et nul doute que parmi toutes les attaques plus ou moins
directes dont le Mouvement Démocrate est l'objet, cette stratégie fasse partie
du lot. Trop de gens (de puissances, comme dirait Bayrou) n'ont pas intérêt à
voir émerger cette nouvelle force politique. Sans tomber dans la mentalité des
"faucons" américains, elle doit donc prendre certaines dispositions
pour assurer son avenir.
Pour
autant, il conviendra d'instaurer au moins un dialogue avec les
militants. Un processus de consultation s'avère indispensable, même si
la décision revient in fine aux instances dédiées (dans la transparence,
cela va sans dire...). Sans cela, seuls les militants godillots resteront, et
le coche sera manqué. KPM et Nicolas Vinci avaient fait des propositions de
fonctionnement en ce sens. Sébastien Dugauguez a également résumé les choses
dans un article EXCELLENT sur notre forum de section (non accessible au public)
que je vais lui demander de publier.
Quant
à François Bayrou, eh bien, il a démontré (s'il en était encore besoin) qu'il a
la carrure d'un homme d'Etat, les capacités de défendre ses convictions et
(j'extrapole) les intérêts de son pays dans des négociations. Il déborde
d'ambition et n'a pas son orgueil dans sa poche, et alors ?? N'est-ce pas requis
pour prétendre à la présidence de la République ? Il a de nombreuses qualités
(sa prestation fut impressionnante, tant sur la forme que sur le fond), il ne
reste qu'à corriger certains défauts (d'ailleurs, qui peut prétendre n'en avoir
aucun ?).
Alors,
tout ceci, des arguments contre le MoDem ? Que nenni ! Pour imparfait qu'il
fût, le processus a eu le mérite d'exister, jamais cela n'avait eu lieu dans la
vie politique française. Ailleurs, la situation est bien pire. Comment
croyez-vous que les choses se passent dans les autres partis ? D'ordinaire, je
réprouve le recours à de tels arguments, mais parfois il faut tout de même
relativiser. Donc, si dans l'absolu il reste bien des motifs d'insatisfaction,
relativement à ce qui existe c'est déjà un pas de géant.
Et
après ? = Et ensuite ?
Il
faut donc persévérer, au moins par pragmatisme, comme l'explique
très bien Marie-Laure (voir les arguments, dans les articles et les
commentaires, je ne détaillerai pas).
Et
puis, rien n'est figé, ce Mouvement nous le construirons petit à petit...
Il
importera d'être particulièrement vigilant en ce qui concerne la version
finale des statuts, des chartes, et surtout le fameux règlement intérieur et la
composition des différentes instances après la phase provisoire.
Je
considère que c'est fichu pour ce début d'année et les élections municipales,
et que le véritable enjeu sera les élections régionales et européennes
(d'ailleurs plus importantes dans l'absolu d'un point de vue politique : ce
sont des niveaux d'action clefs dans le monde actuel). Cette échéance sera pour
moi le véritable test, tant du point de vue interne que du point
de vue électoral. Sauf cas de force majeure, a priori je
n'envisage pas de remettre en cause mon engagement avant la fin de cette période
(qui coïncidera d'ailleurs avec des événements cruciaux de ma vie
professionnelle, ce qui n'est pas anodin, mais c'est une autre histoire).
Ceci
étant dit, il est urgent que François Bayrou apprenne à se remettre un peu
en question, à s'ouvrir aux autres (ECOUTER) et à mieux
s'entourer (je veux bien le croire lorsqu'il dit qu'il n'était pas au
courant de certaines choses, mais dans ce cas qu'il s'interroge par exemple sur
la manière dont sont filtrés les messages qui lui sont envoyés...).
Alors,
le MoDem et François Bayrou, un pis-aller ?
Incontestablement.
Il reste encore beaucoup de points d'insatisfaction, mais une bonne partie du
chemin est faite (et ce qu'on trouve ailleurs est bien pire). Plus encore (et
là-dessus j'en suis finalement resté à ma position du printemps), ils restent
un moyen, pour faire bouger les choses, tant dans la vie politique que
dans la société en général.
Seulement
un pis-aller ?
Absolument
pas. François Bayrou est porteur d'un projet de société (de civilisation
comme il aime à le dire), qui se tient, et qui, même si l'on n'est pas d'accord
avec la totalité et s'il faudra l'affiner voire le remodeler, est de nature à
susciter une véritable adhésion, une motivation, pour ce qu'il est et
pas seulement pour ce qu'il permet. Une alternative crédible et forte, bien
qu'encore en construction, aux impasses "néoconservatrice" et
"archéo-socialiste" (pour reprendre ses propres termes).
Donc,
pour conclure, je joue le jeu. Mais qu'on ne s'avise pas de trop tirer
sur la corde, sinon on s'exposerait non seulement à une absence de soutien (en
termes d'activisme sur le terrain et sur internet, mais aussi en terme de
suffrages – désormais je n'ai plus aucun scrupule à voter blanc), mais aussi,
en cas de nécessité, à un activisme d'opposition. Les choses sont dites.
A
présent, comme l'a judicieusement écrit un blogueur (qu'il me pardonne, je ne
le retrouve pas), l'ordre du jour c'est 10% de notre temps et de notre
énergie pour les questions internes au MoDem et 90% pour les questions qui
intéressent nos concitoyens, la vie du pays !
La
quasi-totalité des citations du début de ce billet proviennent d'un article de
François Bayrou publié dans la revue Commentaires. J'encourage vivement
ceux qui ne l'ont pas encore lu à le faire, quoi qu'on en pense c'est un socle
qui résume assez bien les choses (même si, comme je l'ai dit, rien n'est figé
et beaucoup reste encore à construire).
NB/
J'ai une semaine très chargée qui s'annonce, donc ne vous énervez pas si je ne
réponds pas tout de suite à vos commentaires... Merci.